Il peut être dangereux d’évaluer les rôles et les réalisations de ceux qui sont capables de travailler aussi bien devant que derrière la caméra.

De la Place Vendôme à Mal de pierres en passant par L’adversaire, elle tisse depuis plus de 30 ans une toile en clair-obscur et a réalisé neuf longs métrages dans lesquels les passions brûlantes s’accompagnent de secrets bouleversants et combien de silences sauvages.

C’est ainsi que l’on peut résumer Lovers, écrit par son partenaire de longue date, Jacques Fieschi, depuis Un week-end à deux, une adaptation du ménage à trois dans sa forme la plus sombre, proche du film noir, même si Garcia ne cherche pas à reproduire les règles du genre à la perfection.

Trop de place pour la pensée, pas assez pour l’émotion

Les personnages ont beau glisser vers le malheur, elle n’offre pas un aperçu passionnant de l’abîme dans lequel ils sont plongés et se concentre plutôt sur leur tourment intérieur et leurs songeries. Cette position est soutenue par le directeur de la photographie Christophe Beaucarne, un autre habitué de l’univers de Garcia.

Ce lieu idyllique est le point central d’une histoire racontée en trois chapitres et trois lieux différents, chacun servant de toile de fond à la relation tumultueuse entre Lisa (Stacy Martin), étudiante en hôtellerie, et Simon (Pierre Niney), dealer de drogue pour la haute société parisienne.

Leur osmose, à la fois physique et psychologique, ne peut résister à la mort par overdose d’un client au beau milieu de la vie de Simon, ce qui entraîne une rupture douloureuse et pénible.

C’est sous le soleil de l’île Maurice qu’ils se rencontrent à nouveau de manière fortuite et quelques années plus tard, ils sont était un plagiste et elle une dame du monde sur l’épaule de Léo (Benoit Magimel), un riche assureur qui a troqué son passeport suisse pour gagner de l’argent.

Les retrouvailles de ces deux-là ne vont pas seulement faire ressurgir de vieux souvenirs, mais aussi allumer le feu qui consume tout ce qui se trouve sur son passage. L’immolation aura lieu à Genève et sera montrée sous l’éclairage le moins romantique, si tant est qu’il y en ait un.

Une toile de mensonge

Alors que Mal de pierres appartenait corps et âme à Marion Cotillard, Nicole Garcia crée Stacy Martin, passée par l’ardue école de Trier (Nymphomaniac) comme le diadème de ce drame sur le mariage en tant qu’intérêt amoureux de deux hommes que tout sépare (âge, position sociale, force physique, statut social, etc.

Se déplaçant dans des lieux divers et squattant des appartements sinistres, des hôtels luxueux ou bas de gamme, des maisons chics sans âme, ce vilain trio multiplie les faux-fuyants ainsi que les mensonges.

Dans un style proche de l’œuvre de Claude Chabrol, mais sans les machines bien huilées, Nicole Garcia entoure ses personnages d’un halo de mensonges entraînant des erreurs de communication, des rendez-vous ratés, voire des comportements agressifs (Léo montre sa domination lorsqu’il est dans la chambre à coucher) ou imprévisibles qui les propulsent dans de nouvelles voies.

Garcia ne se soucie pas de l’authenticité, pas même de l’histoire des retrouvailles du couple maudit sur l’océan Indien comme en Suisse ; au contraire, elle décrit en détail les remous émotionnels qui découlent de cette valse des émotions à trois reprises et à travers deux trois hémisphères.

Les clichés ont la peau dure

De nombreux clichés font partie de la peau des acteurs qui deviennent réalisateurs, comme cette prétendue bienveillance à diriger leurs acteurs. Il n’y a rien de cliché dans l’œuvre de Nicole Garcia, car elle parvient à tirer le meilleur de trois acteurs étonnants, issus de divers horizons.

Niney et Martin ne sont pas éclipsés par la force tranquille de Benoît Magimel, que nous avons vu plus qu’époustouflant (inoubliable dans De son vivant d’Emmanuelle Bercot), ici en homme brisé qui cache ses blessures. Plus qu’un récit policier palpitant, qu’une féroce histoire romantique, Lovers expose sournoisement les côtés sombres de ce trio tragique.

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