L’un des moments les plus forts du dernier film de la réalisatrice et scénariste française Katell Quillévéré, Le long est venu l’amour (Le temps d’aimer) se produit au tout début, lors d’une séquence de génériques superbement éditée d’images d’archives de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Cela commence par des défilés de la victoire et des GI américains célébrant dans les rues de France, puis se termine de manière choquante par des images de « collabos » (collaboratrices) féminines qui, en raison de leurs liaisons avec des soldats allemands, ont défilé dans les mêmes rues où elles étaient. battus, marqués de croix gammées, rasés de force et publiquement humiliés.

Le long est venu l’amour

L’essentiel

Puissant mais inégal.

Lieu: Festival de Cannes (Cannes Premières)
Jeter: Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Hélios Karyo, Morgan Bailey, Josse Capet, Paul Beaurepaire, Margot Ringard Oldra
Directeur: Katell Quillévéré
Scénaristes : Katell Quillévéré, Gilles Taurand

2 heures 5 minutes

La réalisatrice, en collaboration avec le monteur Jean-Baptiste Morin, coupe soudain de ces archives des plans en noir et blanc de son héroïne, Madeleine (Anaïs Demoustier), une collabo qui fuit une foule en colère et trouve refuge à l’intérieur, où elle caresse sa femme enceinte ventre.

Cette scène rapide en dit long sur le passé de Madeleine et son avenir incertain, avec seulement quelques plans serrés et aucun dialogue. Dommage donc que Quillévéré, qui a réalisé une poignée de longs métrages impressionnants (L’amour comme le poison, Guérir les vivants) et une célèbre série télévisée sur les origines du hip-hop français (Règne suprême), ne maintient pas ce même ton feutré et vital dans la majorité des Le long est venu l’amour.

Le film n’est pas un raté total et il véhicule un message fort, parfois émouvant, sur les sacrifices nécessaires dans l’amour et le mariage, surtout dans une période aussi chaotique que l’après-guerre. Mais il le fait d’une manière qui peut sembler trop cuite et clichée, s’appuyant davantage sur des tropes mélodramatiques que sur le drame subtil trouvé dans les œuvres précédentes de Quillévéré.

Le scénariste-réalisateur a certainement visé haut dans une histoire qui s’étend sur près de quatre décennies, commençant lorsque Madeleine, aujourd’hui mère en disgrâce d’un petit garçon nommé Daniel (Hélios Karyo), rencontre le riche intellectuel François (Vincent Lacoste) au restaurant de l’hôtel où elle travaille en Bretagne en 1947. Vêtue d’une tenue bretonne traditionnelle, Madeleine a l’air aussi française que possible, et elle fait tout ce qu’elle peut pour enterrer son passé traumatisant, notamment en disant à Daniel que son père allemand a été tué pendant la guerre.

François prend immédiatement goût à Madeleine, même si son comportement ne le reflète pas toujours. Lorsque les deux se marient et déménagent à Paris, où François poursuit un doctorat en archéologie, les choses semblent rapidement mal tourner dans leur mariage, en particulier dans la chambre. Bientôt, nous apprenons que François a eu une longue liaison avec un camarade de classe, qui refait surface dans une rage jalouse et finit par incendier l’appartement du couple.

L’incendie criminel semble extrême et reflète un scénario qui n’atteint jamais la même authenticité que celui de Madeleine. En effet, les notes de presse indiquent que Quillévéré s’est inspirée de la vie de sa grand-mère pour son protagoniste féminin, alors que le sort de l’homosexualité réprimée de François semble avoir été concocté pour donner une intrigue à l’autre personnage principal.

Cela s’avère particulièrement problématique lors de la longue section médiane du film, qui se déroule à Châteauroux dans les années 1950, à une époque où la ville de province était remplie de soldats américains servant dans une base militaire voisine. Ayant fui leurs troubles à Paris, Madeleine et François dirigent maintenant un bar local servant les GI, et les choses vont assez bien jusqu’à ce qu’ils se lient d’amitié avec un soldat noir nommé Jimmy (Morgan Bailey).

Cette amitié se transforme bientôt en une romance à trois, Jimmy servant d’objet de désir pour le couple insatisfait, qui fantasme tous les deux secrètement sur lui. Au-delà de la question discutable d’un corps noir musclé devenant un jouet sexuel pour Madeleine et François, tout le scénario se déroule de manière kitsch – en particulier lors d’une scène de ménage à trois qui semble fausse dès le départ.

Demoustier garde une attitude vraisemblablement brisée dans de tels moments, et c’est la relation foirée de Madeleine avec son fils (joué plus tard par Josse Capet, puis par Paul Beaurepaire) qui porte le film bien plus que son mariage. Lacoste était mémorable en jeune gay sortant de sa coquille dans Christophe Honoré Désolé angemais ce film avait des éléments comiques qui sont tout à fait absents ici, et le résultat est une performance raide qui n’a pas la portée nécessaire pour canaliser la situation difficile de François.

Néanmoins, il y a quelques séquences émouvantes dans le long chapitre de clôture, qui se déroule à Paris dans les années 1960 et 1970, qui compensent ces scènes époustouflantes vues plus tôt, l’histoire mère-fils offrant une récompense émotionnelle décente dans les derniers instants. .

Le titre français du film, qui se traduit par Un temps pour aimerfait clairement référence à la saga d’après-guerre de Douglas Sirk en 1958 Un temps pour aimer et un temps pour mourir, et Quillévéré opte pour la même étendue et le même ton mélodramatique tout au long de son film. Elle n’y parvient pas toujours, et fait sans doute plus de fausses notes qu’elle ne l’aurait souhaité, mais son ambition est louable et sa vision du malaise d’après-guerre assurément crédible.

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