Flash info : L’Iran a envahi la ville canadienne endormie de Winnipeg. Correction : le cinéma iranien a en fait envahi Winnipeg. Et plus précisément encore : deux films iraniens qui ont propulsé la nation sur la scène cinématographique internationale, celui d’Abbas Kiarostami Où est la maison de l’ami ? (1987) et celui de Jafar Panahi Le ballon blanc (1995), ont trouvé leur place dans la capitale du Manitoba.

Ce qu’ils font exactement là-bas n’est jamais expliqué. Ce n’est pas non plus vraiment le but de la comédie expérimentale bizarre et enchanteresse du réalisateur Matthew Rankin. Langue universelle, qui a remporté le tout premier prix du public à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes. Mettant en vedette le réalisateur lui-même aux côtés d’un casting d’habitants locaux parlant le farsi, jeunes et vieux, le film est plutôt difficile à décrire sur le papier, mais essayons-le.

Langue universelle

L’essentiel

La version persane.

Lieu: Festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs)
Casting: Rojina Esmaeili, Saba Vahedyousefi, Sobham Javadi, Mani Soleymanlou, Matthew Rankin, Pirouz Nemati
Directeur: Matthieu Rankin
Scénaristes : Matthew Rankin, Pirouz Nemati, Ila Firouzabadi

1 heure 29 minutes

Nous sommes à Winnipeg, enneigée, qui ressemble à moitié à une ville canadienne terne de taille moyenne, et à moitié à un quartier quelque part à Téhéran – pas Téhéran d’aujourd’hui, mais Téhéran des années 1980 et 1990. La signalétique est entièrement en farsi, il y a un marché extérieur attenant à un entrepôt industriel où l’on peut acheter de vieilles machines à écrire ou des aspirateurs, des poules se promènent dans la neige et la succursale locale de Tim Horton’s sert des beignets et des spécialités persanes. Qu’est ce qui se passe ici?

Il n’est pas nécessaire d’être un grand fan des classiques iraniens susmentionnés – ce que ce critique est sans aucun doute – pour reconnaître les hommages que Rankin leur rend tout au long. Langue universelle, mais ça aide. Le début du film, qui se déroule dans une salle de classe où un professeur (Mani Soleymanlou) gronde ses élèves dans un mélange de farsi et de français, est tout droit sorti du La maison des amis, tout comme une foule d’autres séquences. L’un de ces étudiants (Saba Vahedyousefi) trouve un billet de 500 rials gelé dans la glace et demande à une amie d’école (Rojina Esmaelli) de l’aider à le récupérer – ce qui est exactement le complot de Panahi. Le ballon blancmalgré la glace.

Le premier long métrage de Rankin, Le vingtième siècleétait déjà un hommage aux vieux films, recréant les comédies musicales du Siècle d’Or hollywoodien à travers les montages rétro endiablés de Guy Maddin (comme Rankin, natif de Winnipeg).

Le style dans Langue universelle est aux antipodes de ce film. La directrice de la photographie Isabelle Stachtchenko imite l’aspect granuleux et statique du 16 mm des premiers travaux de Kiarostami, financés par l’Institut iranien pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes (dont Rankin copie même le logo dans le générique d’ouverture). La scénographe Louisa Schabas insère de la publicité en farsi partout où elle le peut, que ce soit sur les bancs de parc, les panneaux d’affichage des centres commerciaux, les publicités télévisées locales ou en transformant le logo original de Tim Horton’s familier à tous les Canadiens.

Certaines personnes apprécieront Langue universelle juste en passant au crible tous ces détails étranges, mais Rankin inclut également une intrigue minimaliste dans laquelle il incarne un local, également nommé Matthew Rankin, qui revient à Winnipeg après avoir vécu des années à Montréal.

Lorsqu’il appelle sa mère au téléphone avant de lui rendre visite, un homme nommé Massoud (Pirouz Nemati) décroche et il devient clair qu’il a pris la place de Matthieu. Nous voici donc dans un énième film de Kiarostami, le chef-d’œuvre de 1990 Fermerà propos d’un jeune homme qui a pris l’identité du réalisateur Mohsen Makhmalbaf, infiltrant une famille jusqu’à ce qu’il soit découvert.

Rankin ne va jamais aussi loin ici, et son nouveau film est bien moins un drame qu’une comédie décalée et pince-sans-rire avec quelques moments marquants – comme une scène où Massoud fait visiter une fontaine déprimante d’un centre commercial de Winnipeg comme s’il l’était. présentant une sorte de monument révolutionnaire majeur.

En convertissant sa terne ville natale en un pays exotique rempli de nostalgie (bien qu’une nostalgie très spécialisée, principalement pour les abonnés de Criterion Channel), Rankin semble rechercher le langage universel du cinéma lui-même. À sa manière très étrange, il parvient à le trouver, transformant un lieu quotidien en quelque chose de momentanément spécial – ce que tous les bons films sont censés faire.

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