Dans les films de l’auteur belge Joachim Lafosse, les familles ont tendance à être déchirées de l’intérieur, abattues par un bagage psychologique profondément enraciné (Les agités, Propriété privée), comportement extrêmement mauvais (Cours particuliers, Continue) ou des antécédents de maltraitance (Nos enfants). Pour son dernier long métrage, Un silence (Un silence), le scénariste-réalisateur a réussi à regrouper ces trois facteurs dans un seul film, en se concentrant sur un clan bourgeois qui se désagrège progressivement au fur et à mesure que les offenses passées et présentes reviennent les hanter.

Comme le reste de l’œuvre de Lafosse, c’est un drame pénétrant et savamment réalisé, celui-ci mettant en vedette Daniel Auteuil, Emmanuelle Devos et le nouveau venu Matthieu Galoux, offrant des performances tranquillement captivantes. Mais il se surmène également, avec trop d’événements cruciaux coïncidant en même temps, ce qui rend l’intrigue moins crédible tout en dissipant l’effet émotionnel de ses nombreuses révélations. Après sa première à Saint-Sébastien, le film poursuivra son parcours en festival, suivi d’une projection théâtrale en France, en Belgique et dans d’autres territoires de la zone euro.

Un silence

L’essentiel

Une montre difficile mais pleine de tact.

Lieu: Festival du Film de Saint-Sébastien (sélection officielle)
Casting: Daniel Auteuil, Emmanuelle Devos, Matthieu Galoux, Salomé Dewaels, Jeanne Cherhal, Louise Chevillotte
Directeur: Joachim Lafosse
Scénaristes : Joachim Lafosse, Thomas Van Zuylen, Chloé Duponchelle, Paul Ismaël

1 heure 40 minutes

Le « silence » du titre a trop longtemps éclipsé la famille Schaar. Cela se ressent dans l’atmosphère feutrée de leur hôtel particulier urbain de bon goût, où vit le célèbre avocat pénaliste François (Auteuil), avec sa femme Astrid (Devos) et leur fils adolescent adoptif Raphaël (Galoux). Les trois ne semblent pas beaucoup fraternaliser lorsqu’ils se croisent, presque par hasard, à des heures indues du jour ou de la nuit. Sinon, chacun reste confiné dans son espace privé.

Il y a une raison à cela – en fait un tas de raisons, dont plusieurs que nous découvrirons au fur et à mesure que le récit progresse et que quelques secrets de famille profonds et sombres feront surface. Mais dans un premier temps, la maison est bouleversée par l’intense médiatisation d’une affaire de pédophilie et de meurtre que François est en train de poursuivre. On ne connaît pas tous les terribles détails, dont Lafosse et ses trois coscénaristes ne fournissent que des fragments. Mais c’est clairement quelque chose qui a captivé la presse locale, qui reste à tout moment garée devant la porte d’entrée du Schaar, attendant de poser des questions à François chaque fois qu’il se montre.

Si la situation n’est pas assez compliquée — François représente les jeunes victimes depuis cinq ans déjà, et le procès a pris le dessus sur sa vie —, elle devient une véritable tempête de merde lorsque la fille de l’avocat, Caroline (Louise Chevillotte), confronte Astrid à propos de quelque chose. horrible ce qui s’est passé dans leur propre famille il y a plus de 25 ans. Lafosse cache des informations clés sur ces événements pendant un certain temps, et cela ne vaut pas la peine de les gâcher ici. Mais qu’il suffise de dire que, par hasard ou non – et c’est là une des questions clés du film – les vies professionnelle et personnelle de François s’entrechoquent de manière très désagréable, bouleversant sa maison.

L’histoire est principalement racontée du point de vue d’Astrid alors qu’elle est aux prises avec les retombées des révélations, qui impliquent non seulement son mari mais aussi Raphaël, un lycéen émotionnellement désemparé qui se retrouve entraîné dans la procédure. Dans la seconde moitié dense du film, le point de vue commence à basculer entre la mère et le fils, montrant comment ils sont tous deux obligés de supporter le poids des actes et du comportement innommables de François. Une autre question que pose Lafosse est la suivante : peut-on gracier un proche pour des crimes passés ou pour avoir besoin d’une aide psychiatrique sérieuse ? Ou devriez-vous simplement les laisser être punis ?

De telles questions semblent être une spécialité de Lafosse, un réalisateur dont le meilleur film à ce jour, lauréat du prix Cannes 2012, Nos enfants, a fait ressentir au spectateur une profonde empathie pour une femme qui a tué ses cinq propres enfants. Ici, cependant – et malgré quelques doutes qui subsistent – ​​il est difficile de se ranger derrière François quand il y a une pile de preuves accumulées contre lui.

C’est aussi l’un des principaux problèmes de la structure du film : il se passe tellement de choses dans un laps de temps si court – un grand procès, un grand secret de famille qui éclate soudainement, une nouvelle infraction grave commise soit par François, soit par Raphaël – que cela s’étire. crédulité, même si thématiquement parlant, les événements sont tous liés, tant sur le plan psychologique que criminel.

Lafosse n’a jamais été un réalisateur très joyeux, mais Un silence est probablement son film le plus sombre à ce jour. Dès le premier plan, le directeur de la photographie Jean-François Hensgens cadre étroitement l’action, ne révélant qu’une partie de la vitre de la voiture trempée par la pluie alors qu’Astrid se rend à la rencontre d’un flic (Jeanne Cherhal) qui suit François depuis un certain temps. Le point de vue claustrophobe, à partir duquel on ne peut jamais connaître toute la vérité et où il semble que les murs se referment à jamais, résume parfaitement la situation des Schaars.

C’est en effet une situation sombre, ce qui ne veut pas dire qu’un film sur la maltraitance et le meurtre d’enfants est censé être une sorte de balade optimiste. Mais peut-être Lafosse met-il la sauce trop épaisse cette fois-ci, et bien qu’il sonde à nouveau les dilemmes moraux de personnages confrontés à d’horribles vérités, il semble avoir déjà rendu son verdict.

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