Noémie Merlant, connue hors de France pour ses performances dans le film de Céline Sciamma Portrait d’une dame en feu et celui de Todd Field Le goudron, a fait ses débuts en tant que scénariste-réalisatrice-actrice il y a quelques années avec Mi Iubita, mon amour, qui commence par un enterrement de vie de jeune fille. Merlant propose une autre histoire de solidarité féminine sous la forme de Les balconnets (Les femmes au balcon), une comédie avec une part très sombre ou un drame riant selon le point de vue où on le regarde.

Étant donné qu’à un moment donné, un personnage d’écrivain dans le film rejette les règles supposées de la narration, qui nécessitent des actes clairs, etc., Merlant sait évidemment qu’elle prend des risques avec une structure de forme libre qui plie les genres, et c’est cool. C’est juste dommage que le produit final soit si lâche qu’il soit moins audacieux sui generis expérience qu’un gâchis chaud.

Les balconnets

L’essentiel

Tout sauf l’évier de la cuisine, et tout n’y colle pas.

Lieu: Festival de Cannes (minuit)
Casting: Souheila Yacoub, Sanda Codreanu, Noémie Merlant, Lucas Bravo, Nadege Beausson-Diagne, Christophe Montenez
Directeur: Noémie Merlant
Scénariste : Noémie Merlant en collaboration avec Céline Sciamma

J’heure 34 minutes

Là encore, la plupart des personnages féminins du film pourraient se décrire à un moment ou à un autre comme un désastre, surtout lorsque les malheurs les ébranlent. À partir d’un scénario attribué d’abord à Merlant mais aussi « en collaboration avec » Sciamma, Merlant réalise une œuvre qui semble parfois assez réfléchie, voire didactique car elle montre des femmes confrontées à des violences sexuelles. Mais ailleurs, des scènes entières semblent totalement improvisées et aléatoires, créant des mouvements tonals qui ne changent pas tellement mais vacillent, comme s’ils étaient secoués par des tempêtes en mer.

Par exemple, le film s’ouvre sur un mini-drame tendu qui observe l’épouse maltraitée Denise (Nadege Beausson-Diagne) finalement casser et faire taire son ignoble mari pour de bon. Mais l’histoire de Denise est en fait simplement mise de côté alors que l’accent est mis sur la voisine soi-disant souris mais excitée de Denise, Nicole (Sanda Codreanu). C’est l’écrivain en herbe susmentionné qui travaille sur ce qui ressemble à un roman d’amour et suit les conseils d’un gourou autoritaire de l’écriture créative en ligne.

Essayant de rester au frais dans la chaleur torride d’un été marseillais, Nicole passe beaucoup de temps sur le balcon de son immeuble, tantôt plaisantant à plein volume avec ses voisins, tantôt regardant avec avidité le beau mec d’en face ( Lucas Bravo). Nicole vit également avec Ruby (Souheila Yacoub), une cam-girl qui diffuse en direct de façon pornographique pour des clients privés. Habituée à ne porter que des cache-tétons, des bijoux en plastique collés et un string en public, Ruby est un personnage résolument sexuel qui entretient également une relation polyamoureuse avec un homme et une femme, vus une fois dans le film et dont on n’a plus jamais entendu parler.

Bientôt, une troisième amie, l’aspirante actrice Elise (Merlant elle-même), arrive de Paris, toujours habillée comme Marilyn Monroe, en inquiétude à cause de sa relation étouffante avec son mari Paul (Christophe Montenez), qui n’arrête pas d’appeler toutes les cinq minutes. Elise veut clairement se séparer mais n’a pas la force de le lui dire.

Au cours d’une soirée de flirt à distance, alimentée par des cocktails et filmée avec une caméra hyperactive et constamment mobile (Evgenia Alexandrova fait office de directrice de la photographie), les trois femmes se retrouvent chez l’homme d’en face. Il s’avère être un photographe professionnel, vivant dans un appartement bien plus cossu et plus cher que n’importe qui d’autre dans le quartier, mais ce n’est pas trop surprenant pour Marseille. Au grand chagrin de Nicole, il se tourne vers Ruby à la place d’elle, alors Nicole et Elise se retirent de l’autre côté de la rue pour qu’il puisse prendre des photos de Ruby et tout ce qui peut arriver.

Assez choquant pour quiconque n’avait pas lu la publicité auparavant, Ruby apparaît le lendemain couverte de sang et pratiquement catatonique, après avoir été violée par le voisin, une séquence que Merlant ne montre que dans de petits flash cuts pour suggérer sa violence. Mais ce n’est que le début : un horrible accident s’est produit et les femmes, au lieu d’appeler la police, décident de nettoyer la scène du crime et de faire comme si de rien n’était. Pendant ce temps, Elise découvre qu’elle est réellement enceinte, révélée lors d’un examen gynécologique au cours duquel le réalisateur montre son appareil sous la ceinture dans toute sa splendeur velue.

Les balconnets tente de faire valoir le point parfaitement acceptable selon lequel les femmes ne devraient pas être violées ou assassinées, peu importe à quel point elles révèlent leur corps et quel que soit le type de relation qu’elles entretiennent avec leurs violeurs. (Le viol conjugal se produit également ici, vu plus explicitement que l’agression de Ruby.) Personne ne devrait contester cela, et c’est plutôt gentil de voir à quel point le film est positif pour le corps, avec Merlant et Yacoub se mettant seins nus chaque fois que l’ambiance prend leurs personnages, avec quelques extras moins sveltes.

Mais le film donne plus l’impression de prendre des poses féministes que de résoudre des problèmes sérieux, et jeter n’importe quel matériau cinématographique contre le mur et attendre de voir ce qui colle n’est pas une stratégie qui fonctionne vraiment ici. Trop souvent, Les balconnets se sent égocentrique et indulgent, profitant d’un manque de temps que la plupart des cinéastes débutants ne seraient jamais supprimés s’ils n’étaient pas déjà des stars de cinéma.

À la fin, les téléspectateurs plus âgés et grognons pourraient commencer à penser que Nicole et ses amis pourraient abandonner les cocktails pendant un moment, suivre davantage de conseils du professeur d’écriture créative et lire quelques livres.

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