À mi-chemin de la captivante procédure policière de Sandhya Suri Santosh, un policier plus âgé (Sunita Rajwar) rappelle à un jeune agent (Shahana Goswami) que lorsqu’il s’agit d’affaires pénales, tout le monde – de la famille de la victime aux détectives – joue un rôle. Une partie porte plainte et l’autre rend justice. Que les choses soient fondées sur la vérité ou sur la réalité compte moins qu’on pourrait le penser. Le sentiment, peu réconfortant au départ, prend une dimension plus sinistre plus tard dans le film, lorsque les deux femmes font une course contre la montre pour retrouver l’homme qui a assassiné une adolescente dans la communauté Dalit d’une petite ville du nord de l’Inde.

Quelques jours après que ses parents ont signalé sa disparition, le corps de Devika a été retrouvé dans le puits. La découverte de la jeune fille (Nandani Tharu), dont le corps enflé contamine l’approvisionnement en eau de la communauté, déclenche une tempête de mauvaise presse auprès des autorités locales. Le quartier a déjà été accusé de corruption et de discrimination à l’encontre des Dalits, considérés comme une « caste inférieure » en Inde. Suri montre effectivement la profondeur de cette violence institutionnelle dès le début Santosh, à travers des scènes dans lesquelles des policiers humilient leurs électeurs par des arrestations illégales, les extorquent des pots-de-vin et maintiennent une culture d’hyper-surveillance. Afin de sauver la face, les policiers décident d’enquêter sur l’affaire. Ils font venir Sharma, un inspecteur de police notoire (Rajwar), et la mettent en relation avec Santosh (Goswami), un membre relativement vert de la force.

Santosh

L’essentiel

Intelligent et convaincant.

Lieu: Festival de Cannes (Un Certain Regard)
Casting: Shahanna Goswam, Sunita Rajwar, Shashi Beniwal, Sanjay Bishnoi
Réalisateur-scénariste : Sandhya Suri

2 heures

Santosh a commencé à travailler comme policier grâce à un programme gouvernemental qui permet aux veuves de policiers décédés d’hériter de leur emploi. Santosh, présenté en première à Cannes dans Un Certain Regard et récemment acquis par Metrograph pour une distribution nord-américaine, s’ouvre sur la mort du mari du personnage principal, un événement qui bouleverse la vie de Santosh. Incapable de retourner dans sa propre famille et rejetée par sa belle-famille, la veuve décide de subvenir à ses besoins en tant que policière. Le film de Suri raconte le genre de régression morale provoquée par le travail. Santosh entre dans la profession avec l’intention, semble-t-il, de causer peu de mal, mais la corruption s’avère une force trop insidieuse.

Le pouls de Santosh réside dans la relation entre Santosh et l’inspecteur Sharma, une détective brutale dont la réputation la précède. La frigidité de leurs premières interactions fond à mesure qu’ils travaillent sur le cas de Devika. Suri utilise ces femmes pour décrire les polarités de cette profession. Santosh, au départ, représente une sorte de naïveté à l’égard du système judiciaire indien, rempli de présomptions selon lesquelles la police existe pour aider ceux qui en ont besoin. Sharma, en revanche, s’est endurcie par l’expérience. Sa morale – façonnée par des années de compromis – se plie à la volonté des circonstances. Le fait que nous parvenions à comprendre les couches des deux femmes fait honneur à la précision et à la subtilité des performances de Rajwar et Goswami.

Goswami, en tant que point d’ancrage du film, offre une tournure particulièrement captivante, qui ajoute une couche urgente au scénario de Suri. Le cas de Devika devient un test décisif pour Santosh, dont le désespoir croissant de trouver le coupable la pousse à faire des choix plus caractéristiques de Sharma. Des détails supplémentaires sur ses motivations liées à son chagrin auraient pu être utiles, mais Goswami joue son personnage avec une quantité appropriée de pathos qui clarifie la culture machiavélique des policiers.

Après avoir trouvé le téléphone de l’adolescent, Santosh et Sharma concentrent leur attention sur la localisation du jeune homme que Devika avait envoyé des SMS juste avant sa mort. Les faits de l’affaire passent au second plan par rapport à la montée d’adrénaline liée au fait d’avoir une véritable piste. La mise en scène de Suri, déjà confiante dès les premiers instants, est habile à mesure que le film s’adapte à l’ambiance de plus en plus frénétique. La cinématographie de Lennert Hillege abandonne l’approche observationnelle, presque documentaire, pour un travail de caméra plus fiévreux et claustrophobe. Alors que Santosh se rapproche du suspect, qui s’est enfui dans une autre ville, le film de Suri embrasse l’esthétique mordante – lieux sombres et sombres, musique palpitante – d’une procédure classique.

Ce sens de l’orientation assuré couplé à des performances maîtrisées font Santosh un drame captivant. Mais c’est le scénario de Suri qui rend le film immersif. Le réalisateur imprègne intelligemment ce récit discret et intime de détails qui exposent la réalité politique de l’Inde. Au lieu d’un dialogue explicatif fastidieux, Suri s’appuie sur les conversations entre Santosh et Sharma pour faire la lumière sur les forces – une société discriminatoire, un lieu de travail corrompu – qui pourraient conduire ces deux femmes dans une sorte d’alliance faustienne à contrecœur.

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