Souvenirs de Paris, le titre en anglais du dernier film de la réalisatrice Alice Winocour, ne rend pas tout à fait justice au titre original, ni à ce que ce drame guindé si émotionnellement poignant tente d’accomplir. En français le film s’appelle Revoir Paris, qui se traduit par « Revoir Paris » et qui prend ici plusieurs sens : il décrit l’histoire d’une femme qui, après avoir survécu à un attentat terroriste, revient en ville et tente de se remémorer ce qui lui est arrivé ; mais il s’agit aussi de voir un lieu familier avec des yeux neufs, de changer de perspective afin de surmonter un traumatisme.

Winocour ponctue son film de plusieurs plans grandioses de rues et de paysages urbains parisiens, comme pour nous le rappeler, et son personnage principal, la quadragénaire Mia (Virginie Efira), traductrice, à quel point la ville peut être belle quand on prend du recul et qu’on la voit de au loin. Mais surtout, elle nous plonge dans le point de vue brisé et obscurci d’une femme qui a réussi à échapper à une agression brutale contre un restaurant du centre-ville qui a fait des dizaines de victimes – un événement fictif inspiré de l’attentat de la salle de concert du Bataclan en novembre 2015 , auquel le propre frère du réalisateur a réussi à survivre.

Souvenirs de Paris

L’essentiel

Un récit émouvant sur la survie et la résilience.

Lieu: Festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs)
Moulage: Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Maya Sansa, Amadou Mbow, Nastya Golubeva Carax
Réalisateur, scénariste : Alice Winocour

1 heure 43 minutes

Nous vivons l’incident terrifiant aux côtés de Mia lors de la bobine d’ouverture pleine de suspense du film, jusqu’au moment où des coups de feu sont tirés et elle s’évanouit. Lorsque Mia revient à Paris plusieurs mois plus tard, renouant avec son petit ami chirurgien, Vincent (Grégoire Colin), qui a sauté avant l’attaque, elle n’a qu’un souvenir partiel de ce qui s’est passé. Le reste du scénario (écrit par Winocour en collaboration avec Marcia Romano et Jean-Stéphane Bron) la montre essayant de reconstituer les événements – un processus qui, espérons-le, l’aidera à passer à autre chose.

Souvenirs de Paris est un film policier, avec Mia, comme le personnage de Guy Pearce dans Mémento, suivant diverses pistes et mémoires fracturées pour arriver à la vérité. C’est aussi une histoire de renouveau émotionnel, retraçant les phases de rétablissement qui suivent une catastrophe majeure, avec tous les hauts et les bas que cela implique. La manipulation de Winocour peut être un peu trop sur le nez par endroits, comme lorsqu’elle fait revenir des morts hanter Mia dans la rue ou dans le métro, ce que nous avons vu trop de fois à Hollywood. De plus, elle demande à Efira de jouer une femme tellement matraquée par un traumatisme que sa performance peut sembler trop circonspecte dans des endroits, trop délibérément contenue.

Mais ces éléments se construisent lentement vers un coup de poing d’une finale, qui, sans le dévoiler, implique que Mia établisse un lien humain essentiel qui la ramène, au moins sur le plan émotionnel, à la vie. Avant que cela n’arrive, elle passe beaucoup de temps avec d’autres survivants dans un groupe de soutien qui se réunit régulièrement au restaurant où l’attaque s’est produite. Parmi les personnages qu’elle rencontre figurent une adolescente (Nastya Golubeva Carax, fille de Leos Carax) qui a perdu ses deux parents et un banquier, Thomas (Benoît Magimel), qui a perdu plusieurs amis et s’est gravement blessé à la jambe.

Les meilleures parties de Souvenirs de Paris concentrez-vous sur l’étrange romance naissante entre Mia et Thomas, qui se déroule dans des chambres d’hôpital, des réunions de soutien et d’autres lieux qui ne sont pas les plus romantiques que la Ville Lumière a à offrir. Il s’agit plutôt d’une anti-romance à propos de deux personnes dont les blessures les rapprochent – une idée qui ne semble pas tout à fait originale, mais qui bénéficie de la performance vécue et décontractée de Magimel, qui contraste avec la raideur de Mia, stoïcisme auto-conservateur.

Dans son travail récent, Magimel est devenu quelque chose comme le français Nick Nolte : il est tout sournois et bourru, comme s’il avait traversé l’essoreuse et qu’il était en quelque sorte toujours avec nous, heureux de continuer à faire des films. Il ajoute une dose d’humour bienvenue à la fois à la vie de Mia et au film lui-même, ouvrant les choses vers des horizons plus chaleureux. La scène où les deux se faufilent dans un mariage et où Thomas commence à danser avec ses béquilles en dit peut-être plus sur l’état d’esprit des personnages qu’autre chose, soulignant l’absurdité existentielle de survivre à un massacre qui a fait tant de morts.

Le superbe film précédent de Winocour, Proxima, traitait d’une astronaute prise entre son désir de se mettre en orbite et les liens familiaux qui l’enracinaient sur Terre. De par sa conception, l’héroïne de ce film était un personnage beaucoup plus actif que Mia, qui a été aveuglée par un événement qui la laisse souvent sans voix, regardant dans le vide de ses propres souvenirs brumeux. Cela peut donner un drame qui n’apparaît pas vraiment jusqu’à la toute fin, mais qui offre un regard émouvant sur l’apprentissage de la vie avec un traumatisme. Après tout ce que Mia a traversé, la solution se résume à une idée : vous n’êtes pas seul.

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