Par Senstov Réel Ce n’est pas vraiment un film au sens conventionnel du terme. Ce n’est pas non plus vraiment un documentaire. On peut le décrire comme un « matériel », comme le dit le cinéaste lui-même dans une introduction filmée. En effet, le film (appelons-le ainsi pour les besoins de cette critique) est le résultat d’un accident. Il est composé de 90 minutes de séquences brutes, non montées, capturées par une caméra GoPro perchée sur le casque du cinéaste alors qu’il servait dans l’armée ukrainienne. Senstov a involontairement allumé la caméra après que son véhicule de combat d’infanterie a été détruit par l’artillerie russe, et les images documentent ses efforts ultérieurs pour appeler à l’aide pour évacuer son unité alors même qu’elle est sous le feu et à court de munitions.

Le résultat, présenté en première mondiale au Festival international du film de Karlovy Vary, est un portrait de la guerre aussi immédiat qu’on puisse l’imaginer, tour à tour déchirant et ennuyeux, et indéniablement fidèle à son titre.

Réel

L’essentiel

Un film de guerre en found footage.

Lieu: Festival international du film de Karlovy Vary
Directeur: Par Senstov

1 heure 30 minutes

Sentsov, qui a rejoint l’armée ukrainienne peu après l’invasion russe, est un réalisateur expérimenté avec trois longs métrages à son actif. C’est aussi un activiste et un dissident qui a été accusé par la Russie d’avoir planifié des attentats terroristes et condamné à 20 ans de prison. Un an après avoir reçu le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit décerné par le Parlement européen, il a été libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine.

Senstsov n’était pas conscient qu’il filmait pendant la bataille qui a eu lieu l’été dernier, et n’a découvert les images que des mois plus tard. Il a envisagé de les supprimer, mais a ensuite décidé qu’elles constituaient un document précieux sur la guerre telle qu’elle se déroule réellement. Les 90 minutes de séquences (c’est à ce moment-là que la batterie de la caméra s’est épuisée), qui ont bénéficié de légères modifications post-production impliquant une correction du son et des couleurs, servent de document visuel sur la guerre des tranchées moderne.

On ne voit pas vraiment d’action dans le film, qui montre principalement Senstov – qui commandait une unité et dont le nom de code était « Grunt » – et ses hommes retranchés dans une tranchée dans une position connue sous le nom de « Real », du nom du club de football de Madrid. (L’armée ukrainienne semble avoir une affinité particulière pour ce sport, d’autres positions portant des noms d’équipes telles que Chelsea, Barcelone et Marseille.)

Comme la caméra est placée sur la tête de Sentsov, on ne le voit jamais vraiment. Mais on entend sa voix bourrue aboyer des instructions à ses hommes et dans la radio alors qu’il sert de trépied humain. Leur situation est périlleuse ; comme le dit Senstov, ils « manquent de munitions et de personnel », et plusieurs hommes sont blessés. Ils sont encerclés par les forces russes et leur emplacement est périodiquement bombardé alors que Senstov tente désespérément d’organiser leur évacuation.

Les soldats gèrent la situation avec un stoïcisme et une résignation impressionnants, leurs visages impassibles ne laissant transparaître aucune panique lorsque nous entendons des messages radio tels que « Quelle est notre prochaine action ? » et « Que disent les dirigeants ? » La plupart du temps, ils attendent, attendent et attendent encore l’aide qui tarde à venir. « La situation est merdique. Nous allons venir à vous maintenant », entendent-ils finalement à la radio.

Réel s’avère être une expérience purement cinématographique plutôt éprouvante et qui met la patience à l’épreuve, surtout si on la compare à des documentaires galvanisants comme le film oscarisé 20 jours à Marioupol. Mais il s’agit néanmoins d’un document historique important, qui illustre également un aspect particulier de la guerre moderne et le courage des soldats ukrainiens face à des difficultés impossibles dans leur combat contre l’armée russe. Comme nous l’apprenons dans les derniers instants, de nombreuses victimes ukrainiennes ont été recensées au cours de la bataille, dont plusieurs des hommes que l’on voit dans le film. Réel sert de mémorial approprié.

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