Le premier long métrage de Mo Harawe Le village à côté du paradis est une offrande obsédante. Le film, présenté en avant-première à Cannes dans la section Un Certain Regard et est le premier film somalien jamais projeté sur la Croisette, présente un récit captivant sur la survie d’une famille dans une ville endormie de Somalie. Mais c’est le contexte dévastateur dans lequel se déroule leur drame qui persiste longtemps après le générique.
Les hurlements des sirènes des drones accompagnent chaque scène du film de Harawe, qui s’ouvre sur des images d’un reportage réel sur une frappe de drone américain sur la Somalie. Depuis que les États-Unis ont commencé à utiliser des drones dans ce pays d’Afrique de l’Est au début des années 2000, les Somaliens ont souffert d’une opération antiterroriste enveloppante et vorace. Selon les données de la fondation New America, plus de 300 utilisations documentées de drones ont entraîné des centaines de morts civiles.
Le village à côté du paradis
L’essentiel
Inégal mais touchant.
Lieu: Festival de Cannes (Un Certain Regard)
Casting: Ahmed Ali Farah, Ahmed Mohamud Saleban, Anab Ahmed Ibrahim
Réalisateur-scénariste : Mo Harawe
2 heures 13 minutes
L’impact fatal de la guerre contemporaine organise la vie du village Paradise, un lieu dont le nom semble plus mélancolique avec le temps. Marmargade (Ahmed Ali Farah), personnage principal du film langoureux de Harawe, gagne de l’argent en faisant des petits boulots, mais l’un de ses boulots les plus lucratifs consiste à enterrer les morts. Certaines des personnes pour lesquelles il trouve une place dans le terrain sablonneux sont mortes de causes naturelles, mais beaucoup d’entre elles sont victimes de frappes aériennes étrangères. Lorsque cette activité ralentit, Marmargade fait passer à contrecœur un camion rempli de marchandises – dont le contenu jouera plus tard un rôle central – vers une ville voisine.
Parce que Marmargade connaît les réalités de la vie dans un endroit enveloppé par l’ombre de la mort, il aspire à une vie meilleure pour son fils Cigaal (Ahmed Mohamud Saleban), un enfant plein d’entrain qui ne pense rien au bourdonnement constant venant du ciel. Lorsque l’école locale annule les cours pour l’année en raison de l’absentéisme chronique des enseignants, Marmargade s’efforce d’envoyer Cigaal dans une école de la ville, où la sécurité est plus qu’une illusion. Mais Cigaal ne veut pas quitter sa famille, ses amis ni sa vie au village. Lorsque Marmargade lui propose cette nouvelle vie, l’enfant rejette l’idée.
Le récit principal de Le village à côté du paradis tourne autour des désirs contradictoires au sein de cette famille de fortune. Marmargade vit avec sa sœur Araweelo (Anab Ahmed Ibrahim), une femme récemment divorcée qui souhaite créer sa propre boutique de couture. Les deux hommes entretiennent une relation tendue résultant d’années de méfiance. Elle pense que son frère devrait être honnête avec Cigaal au lieu d’essayer de tromper le jeune pour qu’il aille à l’école. Marmargade souhaite plus le soutien financier de sa sœur que ses conseils. Après avoir refusé de lui prêter de l’argent pour payer ses frais de scolarité, Marmargade prend une série de décisions qui menacent tous leurs moyens de subsistance.
Le film de Harawe contient de nombreux éléments admirables. Avec son rythme tranquille et sa tendre concentration sur une seule famille, Le village à côté du paradis rappelle le long métrage de Gabriel Martins de 2022 Mars Un. Et la façon dont Harawe structure le film autour d’un conflit géopolitique plus large ressemble au rôle joué par la guerre civile tchadienne dans le film de Mahamet Saleh Haroun de 2010. Un homme qui crie, qui a également été présenté en première à Cannes. La cinématographie (de Mostafa El Kashef) offre des images vraiment saisissantes qui évoquent l’atmosphère fantomatique de ce village sans transformer ses habitants en caricatures pour un regard occidental avide d’un certain type de porno de pauvreté.
Mais Le village à côté du paradis est également entravé par endroits par son récit sinueux et parfois par les performances en bois de la troupe d’acteurs locaux non professionnels de Harawe. La netteté de la vision de Harawe est ternie par une histoire qui fait trop de détours avant de s’installer en elle-même. Des personnages à la pertinence douteuse sont introduits puis abandonnés, tandis que ceux qui jouent des rôles cruciaux ne bénéficient pas d’un temps d’écran approprié.
Le film devient plus dynamique dans sa seconde moitié, lorsque le désespoir de Marmargade le conduit à des décisions douteuses qui entrent en conflit avec les désirs d’Araweelo. En effet, c’est également dans ces parties du film que Harawe tire les meilleures performances de ses acteurs, qui autrement peinent à se débarrasser d’une raideur compréhensible.
Malgré ces défauts, le film de Harawe a une réelle pérennité. Le village à côté du paradis s’oriente autour d’un optimisme discret et d’un humour surprenant qui reflète la vraie vie. Il y a des moments qui rappellent que même dans les endroits où la mort semble proche, l’espoir de demain est toujours vivant.