L’industrie cinématographique bouge en Afrique. Elles sont loin, les Éditions du Festival de Cannes où le continent était peu ou pas représenté par des films en sélection officielle. Cette année sur la Côte d’Azur, pas moins de six réalisations africaines sont retenues pour défendre les couleurs du continent. Avec deux films en compétition officielle et quatre autres dans la sélection dérivée « UN CERTAIN REGARD », le constat est évident : le développement du cinéma amorcé sur le continent, il y a quelques années déjà, va de bon train. Passons-en revus ces six œuvres pour découvrir l’univers dans lequel ils comptent nous embarquer.

Une fiction et un documentaire dans la compétition officielle

BANEL ET ADAMA de Ramata TOULAYE-SY et LES FILLES D’OLFA de Kaouther BEN HANIA sont les deux films africains en compétition officielle. Ce dernier, un documentaire, nous plonge, en 100 minutes, dans la décennie agitée vécue par Olfa de 2010 à 2020. Au cours de ses 10 ans, cette Tunisienne quadragénaire et mère de deux filles a vécu la radicalisation de sa progéniture encore adolescente. Après leur fugue, les deux filles de Olfa rejoignent le Daesh en Libye ou elles sont incarcérées suite à une attaque des forces américaines. Entre le déni et la culpabilité, la peur et la douleur, Olfa doit en plus faire face au regard de la société qui ne voit désormais qu’en elle « la mère des monstres ». Aidé à la production à hauteur de 40 000 € par l’OIF, le film est tourné en 2022.

La seconde œuvre africaine en compétition officielle est tournée la même année, avec une aide à la production de l’OIF et un bonus de l’ACP-UE. Une fiction cette fois, le film de Ramata TOULAYE-SY nous raconte l’amour de Banel et Adam âgés de 18 et 19 ans. Vivant dans une contrée rurale au nord du Sénégal, les deux tourtereaux ont chacun une personnalité fortement marquée. La discrétion de l’un contraste avec le caractère rebelle de l’autre dans un amour destiné à être éternel. Pourtant, il n’est pas là leur obstacle. Les deux jeunes doivent, dans le seul monde qu’ils connaissent, leur village, préserver leur amour des conventions sociales qui s’y opposent farouchement.

Les bribes d’information disponibles nous permettent d’imaginer les décors de ce film qui, sûrement, s’apparenteront fortement à ceux du court métrage ASTEL réalisé par Ramata TOULAYE-SY en 2021. La flore et la faune du pays de la teranga, son architecture unique s’inviterons dans ce film pour créer un de ses environnements originaux qui peuvent inspirer les titres de ce site.

Avec le film BANEL ET ADAMA, la réalisatrice diplômée de la FEMIS concourt également pour la « Caméra d’or », car il s’agit de son premier court métrage.

« UN CERTAIN REGARD » sur quatre films africains

Dans la sélection compétitive « UN CERTAIN REGARD », les films sélectionnés sont tout aussi prometteurs.

LES MEUTES de Kamal LAZRAQ

Dans ce film, Kamal L. nous plonge dans le quotidien d’Hassan et son fils Issam qui servent la pègre des quartiers populaires de Casablanca afin d’y garantir leur survie. En mission pour leur employeur, un soir, ils se retrouveront coincés avec le cadavre d’un homme qu’ils sont censés kidnapper. Ils devront donc chercher, ce soit là, la solution à leur lourd problème quitte à la trouver dans les profondeurs les plus sombres de leur ville. Selon le réalisateur, ce film serait la suite de son dernier court-métrage « L’homme au chien ». Sorti de la Femis en 2011, Kamal LAZRAQ a déjà reçu pour le film « LES MEUTES » le Prix Artekino lors des Ateliers de l’Atlas du Festival international du Film de Marrakech en 2019.

LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES d’Asmae EL MOUDIR

LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES est un documentaire qui raconte l’histoire d’Asmae, une jeune réalisatrice marocaine qui se rend chez ses parents à Casablanca pour les aider à déménager. Alors qu’elle y est, en triant ses anciennes affaires, elle retrouve une photo d’enfants souriants dans une cour d’école maternelle. Une petite fille assise sur un siège, quasiment en dehors du cadre, regarde timidement l’appareil-photo. Cette photo est la seule image de son enfance que sa mère a pu lui transmettre, mais Asmae est convaincue qu’elle n’est pas l’enfant sur cette image. Afin de découvrir la vérité, Asmae utilise sa caméra pour questionner ses parents et évoquer d’autres souvenirs dont elle doute. Cette photo devient le point de départ d’une enquête au cours de laquelle la réalisatrice explore la mémoire de son quartier et de son pays, remettant en question les mensonges de sa famille.

AUGURE de Balodji TSHIANI

« Augure » est un long-métrage époustouflant réalisé par Baloji Tshiani, avec Marc Zinga et Lucie Debay en tête d’affiche. L’histoire captivante de ce film se déroule dans une Afrique mystérieuse et suit quatre personnages considérés comme des sorcières et des sorciers, dont Koffi. Au moyen d’un récit poignant, le film expose les préjugés et la suspicion au sein de la famille et de la communauté de Koffi quand il décide de retourner à Lubumbashi pour s’acquitter de sa dot avec sa future femme. Découvrez comment ces personnages, en comptant sur leur solidarité, arrivent à s’affranchir des jugements de leur société. Plongez dans cet univers féerique, entre légendes africaines et problématiques sociétales contemporaines.

GOODBYE JULIA de Mohamed KORDOFANI

Dans ce récit poignant, Mona, une chanteuse soudanienne à la retraite, tente de se racheter après avoir couvert un homicide. Pour y parvenir, elle accueille chez elle la famille du défunt. Fort d’un casting reussi, avec Eiman Yousif, Siran Riak, Nazar Goma et Ger Duany dans les rôles principaux, ce film se déroule juste avant la sécession du Soudan du Sud et explore des thèmes forts tels que la culpabilité, le mariage tendu et la recherche de rédemption. Mona, accablée par la culpabilité, se sent dans l’incapacité de faire des aveux à la veuve qu’elle héberge. Toutefois, elle décide de tourner la page et de s’adapter à sa nouvelle vie, sans se douter que les troubles du pays pourraient venir perturber sa quête de paix intérieure et confronter ses propres démons.

Avec des sélections aussi qualifiées, le continent africain peut croiser les doigts pour de belle distinction à cette édition du festival.

A lire également