Avec sept longs métrages à son actif, le réalisateur franco-algérien Rabah Ameur-Zaïmeche reste encore relativement méconnu des cinéphiles d’art et d’essai tant en Belgique qu’à l’étranger.

Et pourtant, depuis ses débuts en 2001, Wesh, Wesh, que se passe-t-il ?, il a été l’un des auteurs français les plus fascinants et les plus surprenants de ces deux dernières décennies. Chaque nouveau film, qu’il se déroule dans le présent (Adhén) ou passé (Les chansons des contrebandiers), le Paris banlieue (Wesh, Wesh) ou un village algérien (Bled numéro un), ajoute quelque chose d’original à un corpus qui est une expérimentation perpétuelle du cinéma narratif, brouillant les frontières entre fiction, documentaire, réalité, fantastique et histoire comme peu de réalisateurs le font actuellement.

Le gang de Temple Woods

L’essentiel

Un thriller enrichissant dans lequel le crime ne paie pas.

Lieu: Festival international du film de Berlin (Forum)
Jeter: Régis Laroche, Philippe Petit, Marie Loustalot, Kenji Meunier, Salim Ameur-Zaïmeche, Kamel Mezdour
Réalisateur, scénariste : Rabah Ameur-Zaimeche

1 heure 56 minutes

Son dernier, Le gang de Temple Woods (Le Gang des Bois du Temple), est ostensiblement un thriller policier, avec un titre anglais qui sonne comme un vieux western et un titre français comme celui d’un album inédit du Wu-Tang Clan. À bien des égards, le film suit le modèle de genre typique, traquant une bande de voleurs du projet de logement titulaire – le Bois du Temple, situé juste au nord de Paris à Clichy-sous-Bois – alors qu’ils planifient, exécutent puis paient sévèrement le prix pour avoir volé un puissant prince du Moyen-Orient.

Mais ce n’est que l’histoire. Ce qui rend le travail de Zaïmeche si frais et intrigant, c’est la façon dont il utilise l’intrigue comme un moyen d’explorer d’autres choses, qu’il s’agisse d’improviser avec un casting qui mélange des acteurs amateurs et professionnels ou de rendre des moments de fiction complètement réels, comme s’il les avait capturés. à la volée. Ses films sont aussi subtilement, et parfois ouvertement, politiques – notamment sur la place limitée que la société française offre aux personnes, comme le réalisateur lui-même, d’origine africaine ou maghrébine qui a grandi dans le banlieue.

Ce thème est tout à fait au centre de Le gang de Temple Woods, dont l’intrigue s’inspire d’un incident réel survenu en 2014 dans la banlieue parisienne, lorsqu’une bande de criminels a braqué un convoi saoudien en route vers un jet privé. La même chose se produit ici, avec le petit voleur Bébé (Philippe Petit) et ses cinq copains (Kenji Meunier, Salim Ameur-Zaïmeche, Kamel Mezdour, Nassim Zazoui et Rida Meszdour) du Bois du Temple qui s’associent pour démonter le SUV de un prince très riche (Mohamed Aroussi) et son fixateur local (Lucius Barre).

L’histoire du gang se termine par celle de leur voisin, Monsieur Pons (Régis Larcoche), un ancien sniper de l’armée de la même cité qui vit dans l’appartement de sa mère, dont la mort ouvre le film puis le survole comme un mauvais présage . En tant que garçons du quartier, Pons et les voleurs semblent revenir en arrière, échangeant des subtilités chaque fois qu’ils se croisent dans la rue ou dans un bar. Finalement, leurs chemins se croiseront de manière explosive qui ne vaut pas la peine d’être gâchée, mais il suffit de dire que les compétences du premier en tant que tireur d’élite expert seront utiles à un moment donné.

Le cambriolage de l’autoroute réalisé par Bébé et sa bande se déroule assez bien, mais après cela, tout est en descente. Comme la vague de sang qui déferle lentement sur Macbeth après avoir tué le roi, la vengeance mise en œuvre par le prince, qui espère récupérer des documents classifiés qui ont été volés avec tout son argent, est progressive et horrible. Il est déjà bien trop tard lorsque le gang se rend compte qu’il a joué hors de sa ligue tout le temps, et ce qui a commencé comme un vol passionnant se termine par un meurtre et des regrets.

Zaïmeche capture la violence en bref, des poussées d’adrénaline discordantes, tout en dépeignant avec sympathie les voleurs comme des hommes égarés d’un endroit difficile, espérant améliorer leur vie et celle de leurs familles. Ils ne sont clairement pas à la hauteur de la richesse du prince, qui est de grande envergure et imparable, ne nécessitant que quelques appels téléphoniques pour être mise en action. En tant que fidèle fixeur basé à Paris, Barre – qui est mieux connu en tant que publiciste international du cinéma et ancien attaché de presse de Cannes – minimise son rôle, livrant des ordres de mise à mort avec une attitude gentille et calme comme si ce n’était pas grave.

La morale de Le gang de Temple Woods est en effet sombre : le crime ne paie pas et le capitalisme gagne généralement à la fin. Le film est obsédant et avance lentement – peut-être trop lentement pour certains – pour arriver à une conclusion qui semble inévitable, y compris la trajectoire du voisin, Pons. Et pourtant, Zaïmeche remplit son récit de moments de calme et de bonheur comme s’ils avaient été volés à la vraie vie, que ce soit les gars qui se rassemblent au comptoir d’un café, lisent une histoire à leurs enfants ou célèbrent le succès précoce de leur braquage.

Il y a deux scènes remarquables qui méritent avant tout d’être mentionnées, chacune d’entre elles impliquant de la musique live : La première est à l’enterrement de la mère de Pons, où une femme plus âgée (jouée par la vraie chanteuse Annkrist) entonne une chanson déchirante qui fait écho dans toute la cathédrale. La seconde est une séquence tardive où Pons suit le prince dans une boîte de nuit, regardant ce dernier se lever soudainement sur scène, enlever son turban et faire une danse envoûtante et macabre lors d’un concert de l’artiste raï algérien Sofiane Sadi.

Zaïmeche laisse jouer ces scènes dans leur intégralité, usurpant l’intrigue et les dialogues pour se concentrer sur la beauté des performances, qui ne font qu’enrichir le message de son film. Il a trouvé des moyens purement sensoriels pour rendre compte de la lourdeur de la mort qui règne sur Le gang de Temple Woods du début à la fin, et il le fait d’une manière à la fois tragique et sublime.

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