Une amie proche, réfléchissant à sa propre pratique photographique, m’a récemment dit qu’elle avait encore tant de choses à dire en noir et blanc. J’ai pensé à son sentiment en regardant Grainesla délicate méditation de Brittany Shyne sur les agriculteurs noirs aux États-Unis. Le film utilise une palette de noir et blanc pour un effet magnifique, trouvant un langage précis dans des nuances maussades et des contrastes dramatiques.

Présenté en première à Sundance dans la compétition documentaire américaine, Graines observe deux agriculteurs noirs du sud américain contemporain. Shyne, qui est également directeur de la photographie, dresse un portrait empathique de la vie agraire tout en révélant les menaces qui pèsent sur sa survie. Le ministère américain de l’Agriculture a une longue histoire de pratiques discriminatoires à l’égard des agriculteurs noirs, notamment en refusant de traiter les prêts ou en approuvant des montants de prêts inférieurs à ceux accordés aux agriculteurs blancs.

Graines

L’essentiel

Une belle méditation.

Lieu: Festival du film de Sundance (compétition documentaire américaine)
Directeur: Bretagne Shyne

2 heures 3 minutes

L’année dernière, dans un geste historique, l’agence a accepté de distribuer 2 milliards de dollars à environ 40 000 agriculteurs noirs à travers le pays, à titre correctif. Mais ils ont mis du temps à payer, et certaines parties du film de Shyne racontent comment Willie Head Jr., un agriculteur de Pavo, en Géorgie, qui a hérité des terres de son grand-père, navigue dans ce processus bureaucratique lourd.

Graines n’est pas une enquête journalistique mais une contemplation poétique qui rappelle celle de Garrett Bradley Tempsqui a également été présenté en première à Sundance en 2020, et RaMell Ross’ Comté de Hale ce matin, ce soir. Se déplaçant à un rythme tranquille, Shyne regarde principalement Head et Carlie Williams, une agricultrice de 89 ans du comté de Thomas, en Géorgie, s’occuper de leurs terres et de leurs habitants. Le réalisateur s’appuie sur des plans rapprochés – une tête de coupe de tracteur récoltant des plantes, une main ridée caressant des graines stockées, un sac de noix de pécan prêt à être pesé – pour accentuer le point de vue intime du film et créer une expérience plus immersive.

Shyne nous plonge dans des scènes de vie sans tambour ni trompette. Graines commence par des funérailles, des conversations entre une grand-mère et son petit-enfant sur le paradis et de lourdes machines traversant un champ de coton. Il y a un pragmatisme dans la façon dont le tracteur traverse la substance moelleuse si lourde d’implications historiques ; le moment bouleverse les sens et affirme la profondeur du lien afro-américain avec cette terre. La ferme familiale de Williams en Géorgie, par exemple, est l’une des plus anciennes fermes centenaires des États-Unis, une désignation donnée aux parcelles de terre appartenant aux mêmes ménages depuis plus de 100 ans.

Le motoculteur vieillissant est fier de ce fait ainsi que de son travail. Dans une scène, alors qu’il vend sa récolte de noix de pécan en ville, Williams raconte à un jeune employé de magasin qu’il est agriculteur depuis l’âge de 18 ans. Il est donc navrant qu’après 70 ans de travail, il puisse à peine se permettre d’acheter de nouvelles lunettes à un médecin. prescrit après son opération de la cataracte.

La situation financière précaire de Williams renforce l’importance du plaidoyer de Head. Lorsque nous voyons le jeune agriculteur appeler fréquemment les responsables de l’USDA pour obtenir des mises à jour sur les subventions promises ou se rendre à Washington DC pour protester devant le Capitole, nous comprenons clairement sa nécessité. Ces récits – avec leurs arcs complémentaires – approfondissent également notre investissement en tant que spectateurs.

« L’agriculture est l’épine dorsale du monde », déclare un agriculteur de Graines. « C’est lui qui nourrit les gens. » Il peut être trop facile d’oublier ce travail, surtout en Amérique, où nous sommes si éloignés de nos habitudes alimentaires. Shyne, comme pour nous rappeler, consacre beaucoup de temps à l’écran pour montrer comment Head et Williams s’occupent de leurs cultures.

C’est ici que son choix de tirer Graines en noir et blanc est particulièrement payant. Dépouiller la terre de ses couleurs évidentes nous permet de la vivre à nouveau. Cette scène de tracteurs labourant le coton évoque des souvenirs d’une histoire chargée en raison de sa ressemblance avec des images d’archives. Lorsque la lumière du soleil baigne un groupe de jeunes agriculteurs noirs récoltant des pastèques ou que l’arrière-petit-fils de Head joue dans l’herbe, la terre semble plus optimiste et invitante. Shyne expérimente également le contraste pour mieux traduire les enjeux élevés de la préservation de ce type de vie.

Ce qui arrive à la terre est très important pour tous les agriculteurs du pays. Graines. Head dispense des conseils pratiques – faisant du film une sorte d’outil pédagogique – parallèlement à des réflexions philosophiques. Il parle de la différence entre les semences coûteuses (qui donnent un rendement unique) et les semences patrimoniales (qui continuent d’offrir), lit un almanach et montre comment écouter les signes que la terre donne sur les conditions météorologiques.

Head est particulièrement soucieux de s’assurer que ses arrière-petits-enfants comprennent l’importance de cette terre. Il les encourage à courir, à palper l’herbe, à se connecter à la Terre sous leurs pieds. Au début du XXe siècle, les agriculteurs noirs possédaient 16 millions d’acres de terres ; aujourd’hui, ce nombre est tombé à environ un million. Avec GrainesShyne met en lumière l’agriculteur, l’agriculteur, l’adulte et l’agriculteur, qui luttent pour protéger ce qui reste.

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