Revenant sur les mystères du meurtre de son long métrage primé de 2013, Étranger au bord du lacmais avec un ton plus sombre et comique que l’on retrouve dans une grande partie de ses autres œuvres, le dernier long métrage du scénariste-réalisateur français Alain Guiraudie, Miséricorde (Miséricorde), se joue comme deux films à la fois : le premier est une sinistre histoire d’homicide dans une petite ville dans la veine de celle d’Hitchcock. Ombre d’un doute, dans lequel un homme se présente pour faire des ravages sur des personnes apparemment innocentes. La seconde est une variation tordue de celle de Pasolini. Théorèmedans lequel une famille est déchirée par la sexualité omniprésente d’un visiteur et son refus de le laisser tranquille.

Les deux films ne se cristallisent pas toujours en un seul, et si vous recherchez un thriller policier crédible dans lequel tout le monde se comporte de manière logique, Miséricorde ce n’est peut-être pas pour vous. Si, en revanche, vous recherchez une exploration du désir sexuel refoulé et de l’hypocrisie religieuse dans l’arrière-pays français, le nouveau film étrange et sobre de Guiraudie fait l’affaire.

Miséricorde

L’essentiel

Provocateur, sinon toujours plausible.

Lieu: Festival de Cannes (Cannes Première)
Casting: Félix Kysyl, Jean-Baptiste Durand, Catherine Frot, Jacques Develay, David Ayala
Réalisateur, scénariste : Alain Guiraudie

1 heure 42 minutes

Tout commence lorsque Jérémie (Félix Kysyl) arrive dans la ville endormie de Saint-Martial, dans le sud-ouest, où il assiste aux funérailles d’un boulanger local pour lequel il travaillait lorsqu’il était adolescent. La femme du boulanger, Martine (Catherine Frot), est en deuil, mais elle est heureuse de revoir Jérémie en ville. Le fils du boulanger, Vincent (Jean-Baptiste Durand, directeur de l’excellente année dernière Chien de casse), est moins séduit par le retour soudain de Jérémie, et force est de constater que ces deux-là ont une sorte de passé que Vincent ne veut pas revisiter.

Guiraudie garde leur histoire vague, même si d’après la façon dont ils se regardent, nous pouvons imaginer qu’ils ont eu une relation amoureuse. Il s’est peut-être aussi passé quelque chose entre Jérémie et le mari décédé de Martine, que l’on ne voit que sur une photo suggestive prise à la plage. Tous ces gens sont censés être hétérosexuels – Vincent est marié et Jérémie prétend avoir une petite amie à Toulouse – et pourtant l’arrivée de cette dernière en ville semble ouvrir des questions inconfortables sur leurs véritables préférences sexuelles.

Les choses tournent mal quand Jérémie et Vincent se croisent un après-midi dans les bois — tout le monde fait de longues promenades dans les bois autour de Saint-Martial parce qu’il n’y a pas grand chose d’autre à faire là — et finissent par se bagarrer, même si on ne sait pas au début s’ils vont se battre ou forniquer. Jérémie finit par tuer Vincent puis enterre le corps, après quoi il abandonne la voiture de ce dernier dans une autre ville et retourne chez Martine, où il est devenu un hôte de longue date.

La longue séquence de meurtres est gérée de manière impressionnante, le jour laissant progressivement la place à la nuit alors que Jérémie tente de brouiller les pistes et de se créer un alibi. Beaucoup moins crédible est l’enquête qui s’ensuit, où deux flics locaux tentent, sans succès, d’imputer la disparition de Vincent à Jérémie, qui change beaucoup trop son récit. Il est le suspect numéro un et pourtant il n’est interrogé qu’à quelques reprises autour de la table de Martine : c’est comme si toute la ville savait qui est le coupable mais ne voulait pas l’admettre.

En effet, la culpabilité, qu’elle soit criminelle ou sexuelle, semble planer sur tout et tout le monde à Saint-Martial, la présence troublante de Jérémie exhumant des émotions longtemps enfouies. (Le motif de la déterrement revient en force à la toute fin du film.) Comme dans toute ville française catholique qui se respecte, une telle culpabilité est sous la juridiction morale d’un prêtre local – en l’occurrence le père Grisolles (Jacques Develay), qui apparaît également dans les bois et n’est clairement pas quelqu’un de confiance.

Les rebondissements Miséricorde Les prises du troisième acte ne valent pas la peine d’être spoilées, mais disons que Jérémie trouve un allié là où il l’attend le moins, même si cela ne veut pas forcément dire qu’il est finalement mieux loti. Il est difficile de croire beaucoup de choses qui se produisent pendant le dénouement, qui implique ces deux gendarmes irresponsables, un énorme pénis en érection et la scène de dégustation de champignons la plus désagréable depuis Fil fantôme. Et pourtant, dans la vision à moitié tordue de Guiraudie de la répression rurale française, tout cela prend tout son sens.

Comme pour ses autres films – huit longs métrages et presque autant de courts métrages – le réalisateur crée son propre ton, combinant des performances naturalistes austères rappelant celles de Robert Bresson avec l’humour macabre et le suspense sous-jacent d’Hitchcock. La talentueuse directrice de la photographie Claire Mathon (Portrait d’une dame en feu) capture cette ambiance dans une série de décors sombres et trempés de pluie dans lesquels le soleil ne semble jamais sortir une seule fois.

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