Au risque de paraître hyperbolique, il y a quelque chose dans la pureté d’une grande narration animée qui peut briser votre cœur, puis le reconstituer. (Pense Toy Story 3.) Le captivant deuxième long métrage du réalisateur letton Gints Zilbalodis, Couler, est ce genre de merveille, une aventure de survie très expérientielle qui se déroule dans un monde au bord de la ruine. Racontée entièrement sans dialogue, cette histoire d’un chat qui évolue de l’auto-préservation à la solidarité avec un équipage hétéroclite d’autres espèces est quelque chose d’assez spécial.

Acquis à Cannes pour l’Amérique du Nord par Sideshow et Janus Films, Couler fait partie des débuts salués de Zilbalodis en 2019 Loin; tous deux sont essentiellement des films muets et tous deux doivent beaucoup aux toiles picturales du maître de l’animation Hayao Miyazaki. La nouvelle œuvre présente des personnages conçus dans un style de dessin animé classique dans de ravissants environnements photo-réalistes, rappelant parfois les paysages boisés de l’artiste danois Peder Mørk Mønsted. Les images de la nature scintillent de lumière et de couleurs, même si l’ombre du danger n’est jamais loin.

Couler

L’essentiel

Vous fait ronronner de plaisir.

Lieu: Festival de Cannes (Un Certain Regard)
Directeur: Gints Zilbalodis
Scénaristes: Gints Zilbalodis, Matīss Kaža

1 heure 26 minutes

Le chat au centre de l’histoire est un félin gris et maigre, de sexe indéterminé, qui semble se situer quelque part entre l’état de chaton et la pleine maturité. C’est une petite créature intelligente et résiliente mais aussi capricieuse dans une grande forêt effrayante, bizarrement parsemée de sculptures de chats à grande échelle, dont un chaton géant qui domine la cime des arbres. L’échafaudage indique qu’il s’agit d’une œuvre laissée inachevée, l’un des nombreux signes tout au long du film indiquant que la vie humaine a péri.

Après avoir déjoué cinq chiens lors d’une poursuite pleine de suspense, le chat découvre l’origine de ces œuvres d’art dans une maison isolée avec un atelier de sculpteur sur bois. L’animal entre par une fenêtre cassée et se recroqueville aussitôt sur un lit pour dormir.

Le chat s’aventure plus tard dans les bois et échappe de peu à être piétiné par une ruée de cerfs. Elle est suivie, quelques secondes plus tard, par une inondation torrentielle qui balaie la forêt avec une force dévastatrice. Alors que les eaux continuent de monter, le chat continue de grimper sur les hauteurs, finissant par escalader la sculpture qui domine l’horizon, grimpant jusqu’au sommet de la tête, puis jusqu’à la pointe d’une oreille.

Ce qui suit est un voyage mouvementé, au rythme propulsif et pourtant jamais précipité, même au cours de 86 minutes rapides, donnant une marge de manœuvre à la fois aux intermèdes mordants et aux moments plus touchants. Le chat saute sur un voilier en ruine et remonte une rivière en crue, s’adaptant progressivement aux défis de ce nouveau monde aquatique.

Les yeux expressifs de la soucoupe de l’animal s’écarquillent à chaque nouvelle rencontre – un capybara qui aboie une fois puis s’endort, ne représentant aucune menace ; un lémurien cupide occupé à rassembler une série d’objets brillants dans un panier qu’il garde avec irritation ; un labrador doux et pas trop brillant séparé de la meute ; et un oiseau secrétaire qui semble au départ une menace mais s’installe rapidement sur la proue du bateau, s’occupant principalement de ses propres affaires.

Alors que les forêts cèdent la place à une végétation plus tropicale, les animaux passent devant les ruines de ce qui semble être une grande ville ancienne avec un immense amphithéâtre abritant une colonie de lémuriens, chacun arborant ses propres trésors en guise d’accessoires.

Tous les animaux du bateau sont changés par leurs expériences, à l’exception du capybara, qui reste à peu près le même gros loufoque tout au long du voyage. Même le labrador, ignorant la mentalité de meute des autres chiens, devient plus intelligent, plus attentif à la sécurité de ses compagnons de voyage.

Aucun ne change de manière plus perceptible que le chat, ses contacts avec la mort dépassant probablement les neuf vies standard et sa cohabitation avec les autres espèces favorisant un esprit communautaire contrairement à son comportement plus distant et circonspect plus tôt dans l’histoire.

Il s’agit d’un merveilleux film pour enfants, un exemple de concessions mutuelles en matière d’amitié et de l’importance de la confiance mutuelle ancrées organiquement dans le récit avec clarté mais sans exagération. Ce n’en est pas moins un film pour adultes, avec ses visuels séduisants et ses personnages chargés de charme et d’individualité. Il y a un bel élément spirituel discret, une âme qui résonne profondément avec le destin d’une gigantesque créature marine ou la sortie céleste d’un membre du groupe en bateau.

Zilbalodis et le directeur de l’animation Léo Silly-Pélissier évoquent un monde de livre d’images presque anéanti par une catastrophe naturelle et assombri par le spectre de la mort, mais regorgeant toujours de paysages d’une beauté à couper le souffle. L’animation 3D rend les fonds forestiers avec des textures incroyablement vibrantes et les scènes sous-marines sont enchanteresses, même si l’on craint pour la vie du chat, un débutant aquatique. L’esthétique visuelle est raffinée, mais le film parvient toujours à paraître à la fois techniquement accompli et fabriqué à la main.

L’attention portée au mouvement est extraordinaire, capturée dans un travail de caméra gracieux et contrôlé ou dans une course effrénée alors que le chat fonce à travers la forêt à grande vitesse. Les détails du personnage sont clairement le résultat d’une étude approfondie du comportement et de la physicalité de chaque animal ; il semble particulièrement prudent de supposer que l’équipe créative a passé d’innombrables heures à regarder des vidéos de chats, sans aucun doute le plus beau cadeau de l’ère en ligne.

La partition de Zilbalodis et Rihards Zal passe de magnifiques passages de mélodie percussive à des envolées de cordes émouvantes, tout comme le récit tisse des observations humoristiques avec des moments de grande anxiété ou de tragédie. Couler est une joie à vivre mais aussi une histoire profondément touchante, l’œuvre d’un talent unique qui mérite d’être classé parmi les plus grands artistes d’animation du monde.

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