Incarnant Simon, un maquilleur à succès le jour et une star montante du drag la nuit, synchronisant les lèvres d’Abba et Donna Summer avec un glamour old-school élancé et plus de cheveux que les anges de Charlie, Théodore Pellerin est une présence captivante, vivante d’une émotion brute. C’est dommage que le scénario de la scénariste-réalisatrice Sophie Dupuis continue de porter atteinte à la dignité du personnage en faisant de lui un retour aux portraits du misérabilisme queer que l’on espérait derrière nous. Mais même si certains téléspectateurs peuvent s’impatienter face à la passivité de Simon face à d’interminables microagressions, il y a suffisamment de tendresse, de cœur et d’ultime réalisation de soi dans Solo pour que tu continues à regarder.

Le troisième long métrage de la cinéaste québécoise Dupuis — et son troisième avec Pellerin, dont l’œuvre américaine comprend un rôle de soutien clé dans Jamais Rarement Parfois Toujours — profite grandement de son immersion dans la scène drag montréalaise. Le film canalise l’énergie fougueuse d’un milieu dans lequel solidarité et plaisanterie garce vont de pair. Les intermèdes de la performance sont particulièrement revigorants, avec la caméra du chef opérateur Mathieu Laverdière qui tourne autour des artistes alors qu’ils renforcent l’attitude et se pavanent autour de la petite scène devant un public de fans en adoration.

Solo

L’essentiel

À la fois captivant et frustrant.

Date de sortie: vendredi 24 mai
Casting: Théodore Pellerin, Félix Maritaud, Alice Moreault, Vlad Alexis, Jean Marchand, Anne-Marie Cadieux, Tommy Joubert, Roger Léger, Josée Deschênes
Réalisateur-scénariste: Sophie Dupuis

1 heure 41 minutes

En plus de la camaraderie de ses drag sisters, Simon peut compter sur le soutien chaleureux de son père (Roger Léger) et de sa belle-mère (Josée Deschênes), ainsi que sur une relation étroite — qualifiée de « symbiotique » par un étranger — avec sa sœur Maude ( Alice Moreault), une costumière de théâtre qui confectionne avec amour les robes vaporeuses de Simon. Le manque d’acceptation n’est pas un problème dans sa vie.

Mais les ennuis surviennent lorsqu’une nouvelle reine française du club, Olivier (Félix Maritaud), qui chevauche la division masc/femme tout en jouant le rôle de La Dragona, attire l’attention de Simon. Dupuis retrace joliment l’ivresse en spirale de leur relation qui s’épanouit rapidement – l’intrigue sexy de leurs premiers regards échangés, le flirt plus ouvert alors qu’ils se défoncent ensemble sous MDMA après un spectacle, leur premier baiser dans la ruelle dehors sous une poussière de neige.

Olivier est évasif sur les raisons qui l’ont poussé à venir au Canada, affirmant seulement qu’il avait besoin d’un dépaysement et d’un endroit « anonyme ». Simon ne lui demande pas de détails, mais accepte avec empressement de travailler sur un duo pour qu’ils se produisent au club. Son enthousiasme à l’idée de trouver un partenaire à la fois romantique et créatif monte d’un cran lorsque son père révèle que la mère de Simon, Claire (Anne-Marie Cadieux), une célèbre diva de l’opéra, vient à Montréal pour se produire et souhaite souper avec ses enfants.

Simon est ravi de la nouvelle – tout comme Olivier, stupéfait – mais Maude n’a aucun intérêt à revoir leur mère, qui s’est enfuie en Europe alors que sa carrière était en plein essor et les a pratiquement ignorés depuis.

Pendant ce temps, Olivier commence à montrer des signes de distance et de contrôle. Il donne soudainement à Maude le sentiment d’être une étrangère et informe Simon qu’il doit s’adapter à son esthétique de performance plus audacieuse plutôt que de trouver un terrain d’entente.

Simon est profondément blessé lorsqu’Olivier rencontre un autre artiste, Édouard (Vlad Alexis). Mais Olivier rejette le « petit drame » de Simon, lui donnant l’impression d’être celui qui doit s’excuser. Dans une scène ultérieure, Olivier est furieux lorsque Simon vole la vedette lors d’un duo, ripostant en creusant un fossé entre lui et sa « drag mother », Frida (Jean Marchand).

Il est évident pour tous ceux qui regardent que toute tentative d’établir une relation sérieuse avec Olivier sera toxique, ce qui rend frustrant que Simon, intelligent et maître de lui, mette autant de temps à se défendre et à exiger le respect, même s’il le fait en pleurant. Les accommodements sans fin qu’il est prêt à faire pour l’égoïsme d’Olivier se retrouvent dans la façon dont il cache sa douleur derrière un sourire lorsque Claire entre en scène, ne lui accordant que le temps limité que son emploi du temps chargé lui permet.

Pour aggraver les choses, Olivier se rapproche de Claire avec des flatteries obséquieuses et des noms, ce qui fait que Simon se sent encore plus exclu de la vie de sa mère. Une amère dispute avec Maude ne fait qu’ajouter à son isolement. Au moment où Olivier l’informe qu’ils vont revenir aux numéros solos, la confiance de Simon est tellement ébranlée qu’il s’humilie publiquement, interprétant ce qui aurait dû être un hommage triomphal à sa mère.

Côté histoire, Solo est un peu mince, mais la vulnérabilité et la douceur de la performance de Pellerin vous maintiennent dans le coin de Simon – même ses affectations, comme saupoudrer ses conversations de phrases aléatoires en anglais, sont attachantes – malgré son manque d’armure qui devient un peu exaspérant.

Maritaud, qui s’est fait connaître dans le drame militant contre le sida de Robin Campillo 120 battements par minute et a livré un tour étonnant dans une autre vedette queer française récente, sauvage, joue le mauvais garçon avec un savant équilibre entre charme et froideur. Cadieux donne à Claire, émotionnellement retenue, suffisamment d’ombres pour montrer un aperçu de ses sentiments maternels. Et Moreault est touchante en tant que personne toujours à la recherche de son frère.

Malgré ses similitudes intermittentes avec des drames datés sur des gays tristes aspirant à être aimés, Solo vient clairement d’un lieu de sentiment authentique, avec des personnages qui ne sonnent jamais faux. Sa trajectoire suit Simon dans sa descente vers le fond, d’où il est enfin capable de reconnaître son modèle malsain de relations de co-dépendance et d’émerger resplendissant comme sa propre personne, accompagné à juste titre d’une chanson intitulée « Queen ».

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