Les lettres ont d’abord afflué, puis ont inondé la communauté. Presque tous les habitants de Littlehampton, une petite ville côtière d’Angleterre, ont reçu une note offensante en 1920. La plupart des messages diffamatoires n’ont pas survécu, mais ceux qui ont fait preuve d’une dextérité avec un langage grossier. Ils sont une fenêtre sur une époque différente – un regard rare, selon les mots de l’historien Christopher Hilliard, sur les « enchevêtrements de dévotion et de ressentiment, de désir et de manipulation » cachés sous l’attitude distinguée d’un quartier ouvrier.

Le mystère, la tension, les ragots et l’humour ont défini le scandale de Littlehampton, mais vous ne pourriez pas le dire à partir de l’étrange traduction d’écran de Thea Sharrock. Méchantes petites lettresdont la première a eu lieu au Festival du film de Toronto, adopte une approche farfelue d’une seule note à cette tranche de l’histoire, un geste particulier qui abandonne son formidable casting et gaspille sa prémisse passionnante.

Méchantes petites lettres

L’essentiel

Une farce forcée.

Deux ans après La fille perdue, Olivia Colman et Jessie Buckley se réunissent pour incarner les femmes au centre de ce mystère calomnieux. Colman incarne Edith Swan, une fille aînée calme et réprimée qui représente une politique de respectabilité féminine en déclin. (Méchantes petites lettres se déroule en proie au mouvement pour le suffrage.) Le portrait que l’actrice donne d’une femme pieuse qui vit toujours avec ses parents (interprétée par Timothy Spall et Gemma Jones) repose sur des moues sévères et une posture raide. Son personnage maniéré s’oppose à celui de Buckley, qui incarne Rose, une émigrée bavarde et farouchement indépendante.

Rose a récemment emménagé dans la maison voisine de celle d’Edith et, dans un premier temps, les deux femmes se lient d’amitié. La mère célibataire irlandaise fascine Edith, une Anglaise fervente dont les plus grandes excursions sont le service du dimanche. Ici encore, la politique compte : Méchantes petites lettres se déroule dans la foulée de la guerre d’indépendance irlandaise ; la méfiance des citadins à l’égard de Rose va plus loin que son sexe.

La relation entre Rose et Edith consiste en des altercations et des conversations légères. Edith tente d’évangéliser Rose, convaincue qu’elle peut sauver l’âme du migrant capricieux. Mais il y a aussi un soupçon de fascination, voire d’adoration : Edith ne pourra jamais être aussi impétueuse, conflictuelle ou vocale que Rose. La quête pour sauver Rose se mêle au désir d’être elle aussi.

Méchantes petites lettres tente de donner à son postulat scandaleux une tournure féministe en soulignant la différence entre les deux femmes. Mais le scénario de Jonny Sweet ne dépasse jamais une énergie superficielle de #girlboss, qui émousse et tempère l’impact du film. Sweet tente également de présenter les événements de Littlehampton comme une comédie noire, mais il n’y a pas de mordant dans son récit d’une seule note.

Le film s’ouvre avec Edith qui en reçoit une autre dans ce qui a été une série de lettres remplies d’insultes créatives. Marre du harcèlement, les Swans portent plainte à la police. Les principaux officiers, un duo maladroit interprété par Hugh Skinner et Paul Chahidi, jurent d’arrêter Rose, qu’ils croient être la coupable. Il n’y a aucune preuve que Rose soit l’auteur de la lettre, mais lorsque Gladys (une charmante Anjana Vasan), la seule femme de la police, tente d’ouvrir une véritable enquête, elle est ignorée sans ménagement.

La plupart des blagues Méchantes petites lettres tournent autour des luttes des femmes sur le lieu de travail, de la nature ignoble des lettres et des Britanniques qui se maudissent et s’insultent. Le ton comique se frotte, souvent maladroitement, aux thèmes plus sérieux introduits par le film sur la répression et la misogynie. La relation d’Edith avec sa famille devient un fil narratif secondaire qui tente, avec un certain succès, de faire la lumière sur sa sévérité. Son père (Spall) est un tyran qui surveille le comportement de sa femme et de sa fille. Il y a des scènes qui auraient pu être déchirantes – surtout compte tenu des talents dramatiques de Spall et Colman – qui atterrissent à la place avec un bruit sourd étrange.

En effet, Méchantes petites lettres oscille entre comédie et tragédie sans jamais atteindre son rythme. Le film est à son meilleur lorsqu’il ne s’efforce pas de transformer chaque instant en blague, mais laisse plutôt l’histoire respirer un peu. Colman et Buckley sont généralement forts, tandis que Vasan livre ses répliques avec un air pince-sans-rire hilarant, rappelant son travail sur Nous sommes des pièces de dame. Mais c’est une réflexion peu flatteuse sur le film que même ce casting ne puisse soutenir notre intérêt pour les drames de Littlehampton.

Crédits complets

Lieu : Festival international du film de Toronto (présentations spéciales)
Sociétés de production : StudioCanal, Film4, Blueprint Pictures, South of the River Pictures, People Person Pictures
Avec : Olivia Colman, Jessie Buckley, Timothy Spall, Anjana Vasan
Réalisateur : Théa Sharrock
Scénariste : Jonny Sweet
Producteurs : Graham Broadbent, Pete Czernin, Ed Sinclair, Olivia Colman, Jo Wallett
Producteurs exécutifs : Anna Marsh, Ron Halpern, Joe Naftalin, Ollie Madden, Daniel Battsek, Farhana Bhula, Diarmuid McKeown, Ben Knight, Thomas Carver, Jonny Sweet, Simon Bird
Directeur de la photographie : Ben Davis
Décoratrice : Cristina Casali
Costumière : Charlotte Walter
Editeur : Mélanie Ann Oliver
Compositeur : Isobel Waller-Bridge
Directrice de casting : Jina Jay
Ventes : StudioCanal

1 heure 42 minutes

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