L’ombre de Le parrain pèse lourd sur le formidable premier long métrage du Français Julien Colonna, Le Royaume (Le Royaume), et pas seulement parce que l’un des personnages s’appelle littéralement « Parrain ».

Se déroulant en Corse en 1995, à une époque où l’île était ravagée par la guerre entre groupes nationalistes et familles criminelles, le film se concentre sur un clan mafieux assailli par des ennemis de tous bords et qui doit survivre par tous les moyens nécessaires. Le chef de ce clan est un Don Corleone habillé de manière très décontractée, nommé Pierre-Paul (Saveriu Santucci), et il doit à la fois préserver son leadership et protéger sa fille adolescente, Lesia (l’éclairante Ghjuvanna Benedetti), alors qu’ils fuient les flics et les truands. ressemblent.

Le Royaume

L’essentiel

Un début captivant.

Lieu: Festival de Cannes (Un Certain Regard)
Casting: Ghjuvanna Benedetti, Saveriu Santucci, Anthony Morganti, Andrea Cossu, Fédéric Poggi, Régis Gomez
Directeur: Julien Colonna
Scénaristes : Julien Colonna, Jeanne Herry

1 heure 48 minutes

Alors oui, c’est très Parrain-comme si le classique de Coppola était raconté du point de vue d’une jeune Connie, racontant comment une fille sur le point de devenir une femme apprend non seulement à connaître la vraie nature de son père, mais aussi comment elle pourrait bientôt finir par le suivre. sur ses traces.

Réalisé avec une précision naturaliste et acérée et se déroulant au cours d’un été corse étouffant, au milieu de superbes vues méditerranéennes qui servent de toile de fond à toutes les vendettas sanglantes, Le Royaume marque l’arrivée d’un nouveau talent audacieux, capable de créer un thriller policier captivant tout en canalisant une véritable émotion à l’écran.

Le réalisateur, qui a co-écrit le scénario avec Jeanne Herry (Entre de bonnes mains), prend son temps pour aborder la partie du thriller policier, et un coup de feu n’est tiré que bien dans le deuxième acte du film. En fait, lorsque nous rencontrons pour la première fois Lesia, 15 ans, elle semble vivre la vie insouciante d’une adolescente moyenne en vacances, allant à la plage, traînant avec ses amis et câlinant avec un garçon de son village qui travaille à le supermarché. D’accord, nous la voyons éventrer sans crainte un sanglier dans la séquence d’ouverture, mais au-delà de cela, Lesia semble être une fille ordinaire qui grandit dans une ville corse isolée entourée de collines et de bois.

Tout change lorsque, sans prévenir, elle est soudainement emmenée dans une villa en bord de mer, dans une autre partie de l’île, où se cache Pierre-Paul et ses acolytes. On se rend compte que c’est ainsi que les choses se passent entre père et fille — on apprend plus tard que la mère de Lesia est décédée il y a des années — dans un arrangement où elle va rendre visite à son père dans ses différentes cachettes, mais vit autrement avec une autre famille.

Lesia n’est pas contente d’être là au début. Son petit ami lui manque et commet une erreur potentiellement fatale en essayant de l’appeler depuis une cabine téléphonique, alors que la localisation de Pierre-Paul doit rester secrète. La raison de cette situation devient vite claire lorsqu’une voiture piégée a failli tuer un homme politique local, qui se présente ensuite à la villa pour s’ébattre avec les mafieux.

Au-delà de quelques séquences coupées, presque toute l’histoire est racontée à travers le point de vue limité de Lesia, et nous glanons des informations vitales lorsqu’elle surprend des conversations à travers les portes et les fenêtres, ou lorsqu’elle demande occasionnellement à son père d’expliquer ce qui se passe. Son initiation au petit et meurtrier empire de Pierre-Paul sera aussi la nôtre, même si on ne comprend pas jusqu’au bout quels crimes il fuit depuis toutes ces années.

Colonna, qui a grandi en Corse et connaît extrêmement bien le terrain, fait confiance aux téléspectateurs pour reconstituer le puzzle et accepter de ne pas tout comprendre – ce que Lesia semble également accepter, du moins au début. Au fur et à mesure que l’histoire avance et qu’elle se rapproche de Pierre-Paul, surtout lorsqu’ils fuient la villa pour échapper aux gangsters qui tentent de les abattre, elle se rapproche également de ses sales affaires. Tout comme Michael Corleone, Lesia évoluera d’une enfant très éloignée de la mafia à une enfant qui se retrouvera au cœur de celle-ci, avec tous les dangers que cela comporte.

La cruelle ironie de Le Royaume c’est qu’une vie de famille normale ne sera jamais possible pour père et fille, comme en témoigne le monologue captivant que livre Pierre-Paul alors que les deux se cachent ensemble dans un camping de vacances. C’est certainement l’un des moments forts de ce film superbement réalisé, et il est suivi d’une scène tout aussi géniale dans laquelle on comprend soudain pourquoi Pierre-Paul a emmené Lesia là-bas en premier lieu.

En collaboration avec le directeur de la photographie Antoine Cormier, qui réalise également un premier long métrage impressionnant, Colonna capture le voyage déchirant du couple dans des tons de couleurs sobres, avec de nombreux plans reflétant le point de vue lointain et limité de Lesia. Cela inclut de nombreuses actions qui se déroulent hors écran, avec des reportages télévisés qui nous expliquent ce que prépare la bande d’assassins endurcis de Pierre-Paul (interprétés par Anthony Morganti, Andrea Cossu et Féeric Poggi).

Lorsqu’une action se produit, elle est rapide et brutale. Il n’y a rien d’élégant ni de cinématographique dans ce que font ces truands : les meurtres sont perpétrés sans détour par des hommes sur des scooters vêtus de vêtements de sport, et tout le monde se salit les mains quand il le faut. Bien sûr, ils possèdent de belles villas, mais ils doivent souvent vivre dans la misère pour échapper aux autres gangsters, ainsi qu’aux gendarmes qui tentent de les traquer à tout moment.

Et pourtant, Lesia se laisse progressivement entraîner dans cet univers, principalement par amour pour son père mais aussi parce qu’elle lui ressemble beaucoup. Cela nous mène jusqu’à une finale captivante dans laquelle nous voyons enfin de quoi elle est vraiment capable, même si Colonna laisse ouverte la possibilité qu’elle puisse peut-être vivre une vie normale après tout. La question est de savoir si elle le souhaite.

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