Vous serez probablement épuisé à la fin du documentaire de Paolo Tizan, qui observe des jeunes hommes, dont beaucoup sont des adolescents, participer à un programme d’entraînement très rigoureux mené par l’armée péruvienne. Le cinéaste a passé dix mois avec les recrues espérant servir comme soldats dans la région connue sous le nom de VRAEM, où une grande partie des plants de coca du pays est cultivée et où le trafic de drogue a lieu. La nuit est venueprésenté en première mondiale au Festival international du film de Karlovy Vary, vous plonge dans la formation des recrues de manière si approfondie que vous en ressortez avec le sentiment d’avoir vécu cette expérience vous-même.
Le documentaire, qui ne fait appel ni à la narration ni aux intertitres, offre une perspective à la volée des jeunes recrues qui s’élanceront à l’assaut de la formation, en commençant par un saut en parachute. Chaque partie de leur corps est mesurée, comme s’ils étaient des étalons de concours. On les voit parler de leur vie en termes très personnels, comme ce jeune homme qui dit avoir grandi dans la peur de son père, qui les battait, lui et son frère, quand ils étaient jeunes. Aujourd’hui, il veut que son père soit fier d’avoir un fils militaire, mais lorsqu’il lui parle au téléphone, il devient immédiatement évident que leur relation est très tendue. Lorsqu’il appelle sa mère, elle lui offre du réconfort mais peu d’aide.
La nuit est venue
L’essentiel
Immersif jusqu’à la faute.
Lieu: Festival international du film de Karlovy Vary
Directeur: Paolo Tizan
1 heure 35 minutes
L’entraînement est brutal et souvent dangereux, comme en témoigne l’une des scènes les plus intenses du film, dans laquelle un stagiaire reçoit accidentellement une balle dans la poitrine et doit être stabilisé sur le terrain. À un moment donné, trois recrues, surnommées par les autres hommes « Les Trois Stooges », sont obligées de se livrer à une série d’exercices en portant un lourd tronc d’arbre sur lequel est inscrit « La douleur est temporaire ».
La douleur peut être temporaire, mais elle est aussi très courante au cours de l’entraînement, comme l’illustre une séquence poignante dans laquelle on voit des recrues être submergées par des jets d’eau torrentiels qui les font presque tomber. La mentalité militaire impitoyable qui caractérise ce processus est illustrée lorsqu’on leur dit qu’ils doivent savoir comment mourir, mais « savoir tuer est le plus important ». À un moment donné, l’écran devient noir tandis qu’on les écoute réciter le genre de chants abrutissants que l’on retrouve dans les armées du monde entier.
Tizan, qui fait ici ses débuts dans le cinéma, s’efforce de montrer que ses sujets, qui aspirent à devenir de féroces guerriers dans l’une des régions les plus dangereuses d’Amérique latine, sont aussi des jeunes hommes ordinaires dans l’âme, en proie à des problèmes de petite amie et qui regardent avidement des films de guerre sur leur téléphone. Les moments poignants dans lesquels ils révèlent leurs insécurités de jeunesse contrastent fortement avec les rigueurs physiques et l’état d’esprit militaire dur auxquels ils sont soumis. Il est clair que le cinéaste, qui s’est occupé lui-même des tâches photographiques avec des résultats saisissants, a réussi son objectif de se rapprocher de ces hommes et de leur permettre de se sentir libres d’exposer leurs sentiments les plus profonds.
La nuit est venue Le film offre une expérience viscérale et immersive, mais il est également entaché de nombreux passages ennuyeux et banals, notamment de longs segments dans lesquels on voit les recrues s’entraîner dans la salle de sport ou s’amuser dans les eaux d’un canal. Bien que le film ne dure que 95 minutes, il semble nettement plus long et aurait probablement bénéficié d’une réduction judicieuse. Mais là encore, sa durée punitive n’est rien en comparaison des épreuves auxquelles sont confrontés ses jeunes sujets, qui sont déterminés à se consacrer à une vie marquée par une discipline intense et un danger extrême.