C’est une incroyable réussite pour Xavier Dolan, réalisateur, scénariste, éditeur, costumier, acteur (n’avons-nous rien oublié ?) qui présente son film, soutenu par Cannes (comme d’habitude), le plus adoré du grand public.

Cette année, Dolan sort d’une expérience émotionnelle (Laurence Anyways) et chaotique (Tom à la ferme) et tourne chez lui, au Québec, l’histoire qu’il préfère depuis ses débuts : la relation entre une mère et son fils.

Cependant, avec Mommy Dolan, il a atteint le sommet de la colline pour ce sujet, et soutient par tous les détails l’histoire d’une mère qui se bat sans relâche pour protéger son fils, atteint d’un trouble obsessionnel qui le met à bout à chaque conflit.

Lorsque la scène est établie, Dolan montre, à tous égards, qu’il est à son meilleur. Toutefois, Mommy Dolan est-il au meilleur de sa forme ?

Un film mêlant douceur et violence

D’une certaine manière, Xavier Dolan rend un puissant hommage à la figure de la maternité qu’il s’était passionné à disséquer dans son film J’ai tué ma mère. Dans ce film, le destin de Diane « Die » Depres est au cœur du récit, complètement.

Dans le cas de Mommy, Dolan reprend l’esthétique du clip réalisé par lui pour Indochine en 2013 (« College Boy »), c’est-à-dire un format carré sans fioritures visuelles qui suggèrent l’intime. « Le quadrilatère encadre parfaitement les visages et constitue mon portrait idéal personnel. Il n’y a pas de distractions ou d’effets réalisables : le sujet est indubitablement le protagoniste qui se trouve toujours au milieu de l’image.

Les yeux ne peuvent pas l’ignorer », se plaît à expliquer le cinéaste dans les (très) nombreuses interviews qu’il a réalisés à l’époque. Le hasard fait bien les choses : Mommy profite d’un parti pris visuel intense et endure pendant près de deux heures vingt minutes où les émotions sont au centre de l’image, quitte à étouffer le spectateur.

Cependant, le réalisateur, maître de son art, est capable de développer ses idées. À travers deux séquences exceptionnelles, où l’écran s’élargit et où les personnages respirent sur fond d’Oasis et de Ludovico Einaudi, Dolan confirme son statut d’auteur hors pair qui sait manier l’art de l’écriture. Les playlists qu’il propose sont tout aussi bien pensées et comprennent Dido, Céline Dion (la fierté nationale) et Sarah McLachlan.

Une magnifique bande originale

La musique est un personnage à part entière, elle fait partie intégrante de l’histoire pour que l’on puisse se souvenir longtemps de cette séquence de rêve comme cet accident de voiture ou ce karaoké en fond sonore de « Vivo per lei » d’Andrea Bocelli. Mommy est la combinaison de tous ces attributs et constitue pour finir le film « parfait ».

Dolan semble réfléchir à chaque regard, plan, et piste tournée dans ce film, ce qui lui donne moins de liberté que le plus expérimental Laurence Anyways.

En fin de compte, c’est le film le plus impressionnant de Dolan, mais pas celui qui est le plus apprécié par les personnes qui aiment son cinéma.

Il est si parfait qu’il connaîtra un succès mérité, tant du point de vue du public que de la critique, portant Dolan au sommet de l’industrie : près de 2 millions d’entrées ont été distribuées en France et il a remporté un prix du jury à Cannes.

Il y a eu un avant et un après Mommy dans la carrière du film. Juste la fin du monde qui est sorti en 2016 sera noté, mais sera critiqué comme étant  » trop surchargé  » ; Ma vie avec John F. Donovan (2018) le tout premier film américain fait pour le québécois est prévu pour sortir (re)monté au maximum, débordant de grandes idées, mais trop ambitieux pour atteindre les sommets du passé.

En cette année 2019, Dolan est pour ainsi dire  » revenu  » à ses fondamentaux et à sa simplicité, en sortant le  » buddy film, made for friends « , Matthias et Maxime. Un classique, comme toujours cependant, il est évident que, depuis la sortie de Mommy l’auteur a du mal à faire ressortir les émotions du passé.

C’est pourquoi il a décidé de se réinventer et de créer son premier format de série télévisée. Il n’y a aucun doute sur les possibilités de cet artiste complet de 32 ans, un artiste qui restera quoi qu’il arrive une légende.

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