Avec huit films à son actif en un peu plus de deux décennies, l’actrice devenue cinéaste Julie Delpy s’est taillé une place de choix des deux côtés de l’Atlantique. Basée à Los Angeles mais travaillant principalement en France, elle a collaboré avec Richard Linklater (le Avant trilogie) d’une part et des stars gauloises comme Dany Boon (Lolo) d’autre part, passant du drame (La Comtesse) à la comédie (Le Skylab) et retour (Ma Zoé), Delpy, comme les personnages épuisés qu’elle incarne souvent à l’écran, n’est pas facile à cerner.
Et pourtant, sa dernière œuvre, la satire des réfugiés Rencontrez les barbares (Les Barbares), est probablement son film le plus franchement français à ce jour, et certainement le plus politique. Mais c’est peut-être aussi son film le moins drôle, imprégné de clichés et de caricatures dans sa description d’un village breton pittoresque qui accueille une famille de Syriens fuyant la guerre. Arborant un message sincère en faveur des immigrés qui semble bienvenu en ces temps politiquement divisés, il devrait être mieux accueilli sur son propre terrain, où il sortira à la mi-septembre après sa première au Festival international du film de Toronto.
Rencontrez les barbares
L’essentiel
Large mais touchant.
Lieu: Festival international du film de Toronto (présentations de gala)
Casting: Julie Delpy, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Ziad Bakri, Jean-Charles Clichet, India Hair, Dalia Naous, Mathieu Demy
Directeur: Julie Delpy
Scénaristes : Julie Delpy, Matthieu Rumani, Nicolas Slomka, en collaboration avec Léa Doménach
1 heure 41 minutes
Delpy est la tête d’affiche d’un casting d’ensemble dans le rôle de Joëlle, une institutrice de gauche qui mène la charge pour faire venir un groupe de réfugiés ukrainiens à Paimpoint, une enclave rurale tranquille située au cœur de la Bretagne détrempée par la pluie. Le hic, c’est que les Ukrainiens sont déjà très demandés dans toute la France, il n’en reste donc pas assez pour en faire venir en ville. Après quelques manœuvres détournées de la part de Joëlle, le village décide de faire venir par bus une famille de Syriens à la place, provoquant un tollé immédiat parmi ses citoyens les plus racistes.
Ces derniers sont constitués de plusieurs habitants de type dessin animé, avec un haut niveau de bigoterie et de stupidité — le genre de Français et de Françaises de province à l’esprit étroit que l’on retrouve dans les comédies gauloises à succès comme Mariages ratés en série ou le Tuche série. Une grande partie de l’humour dans Rencontrez les barbares se concentre sur leurs pitreries stupides, et il n’est pas extrêmement difficile de comprendre que les « barbares » du titre font en fait référence aux habitants de la ville eux-mêmes, même si c’est ainsi qu’ils catégoriseraient leurs nouveaux voisins arabes.
Delpy fait un travail plus crédible dans le portrait des réfugiés, une famille instruite dont la vie a été déchirée par la longue et violente guerre de Bachar al-Assad. Menés par Marwan (Ziad Bakri), un architecte qui rêve de travailler à nouveau un jour, ils font tout ce qu’ils peuvent pour se fondre dans la population locale, apprennent la langue, occupent des emplois mal payés en ville et restent tolérants dans un environnement où règne une grande intolérance. Alors que les personnages français ont tendance à être des stéréotypes généraux – petits propriétaires de petites entreprises, xénophobes, adultères ou politiciens faibles – les Syriens apparaissent tous comme de vraies personnes.
Cette disparité semble tout à fait voulue par Delpy, mais elle ne permet pas une bonne comédie. Une actrice comme Sandrine Kiberlain fait généralement rire, mais on lui confie ici un rôle plutôt ingrat, celui d’une épicière alcoolique dont le mari (Mathieu Demy) a une liaison avec la boucherie de la ville (Émilie Gavois-Kahn). (Créez la scène où le personnage de Kiberlain les attaque avec un boudin géant.) Laurent Lafitte, qui joue un plombier qui essaie d’empêcher les Syriens de s’installer définitivement à Paimpoint, a quelques bonnes répliques. Mais son personnage est si méprisable qu’il devient un autre stéréotype : le raciste blanc de la classe ouvrière française.
Ce qui ne veut pas dire que de telles personnes n’existent pas dans la vraie vie, et comme beaucoup le savent, le parti d’extrême droite du Rassemblement national reçoit actuellement une grande partie de son soutien des électeurs ruraux. La question est de savoir si ces réalités politiques peuvent être exploitées pour rire, mais Delpy semble trop déterminé à prouver quelque chose pour changer d’avis. Rencontrez les barbares dans une affaire humoristique.
En fait, le film fonctionne probablement mieux lorsqu’il devient sérieux et un peu sentimental. Une scène entre Marwan et le policier de la ville (Marc Fraize), où ils sympathisent sur leur amour du français chansonsa un côté touchant. Et la fin plutôt prévisible, dans laquelle la femme du plombier (India Hair) est obligée de compter sur Alma (Rita Hayek), une réfugiée qui est aussi une médecin expérimentée, provoque une explosion soudaine d’émotion véritable.
Malgré les tentatives de Delpy de faire une satire générale, elle livre finalement un film à message rempli d’espoir. Bien sûr, c’est beaucoup trop moralisateur et jamais tout à fait crédible, mais sous tous les stéréotypes de Rencontrez les barbaresil y a une volonté de montrer comment une situation de réfugiés peut finir par profiter aux deux parties. Même si la réalisatrice aime se moquer et rabaisser ses compatriotes français, au fond, elle veut peut-être qu’ils soient la meilleure version d’eux-mêmes.