Premier long métrage assuré du réalisateur belge Leonardo Van Dijl, Julie se tait, construit un drame psychologique captivant autour du choix d’un joueur vedette d’une académie de tennis d’élite pour jeunes de ne pas s’exprimer à la suite d’une tragédie. Dans son premier rôle d’actrice, la jeune star du tennis Tessa Van den Broeck intériorise le malaise maussade du personnage principal avec une intensité lente. Le silence du film est tellement chargé de l’anxiété, de l’obstination, de la colère naissante et du désir d’anonymat de l’adolescente sportive traumatisée que le bruit constant de sa raquette frappant la balle coupe la tension comme des chocs violents.

Se déroulant principalement dans des cadres statiques qui maintiennent l’histoire centrée sur le laser, avec une utilisation précise de la partition vocale aiguilletée de la compositrice classique contemporaine américaine Caroline Shaw, il s’agit d’une œuvre austère et efficace. Cela fait écho à celui de Laura Wandel Cour de récréation de 2021 et de l’année dernière Le salon des professeurs d’İlker Çatak, les trois films étaient centrés sur des personnages se trouvant dans des situations émotionnellement chargées au sein de la bulle du système scolaire.

Julie se tait

L’essentiel

Le silence en dit long.

Lieu: Festival de Cannes (Semaine de la Critique)
Casting: Tessa Van den Broeck, Laurent Caron, Claire Bodson, Koen De Bouw, Pierre Gervais, Ruth Becquart
Directeur: Léonard Van Dijl
Scénaristes: Leonardo Van Dijl, Ruth Becquart

1 heure 43 minutes

Les frères Dardenne ont été coproducteurs et il y a de faibles échos de leurs récits épurés et de leurs performances rigoureusement naturalistes d’un ensemble solide dans lequel les personnages adolescents sont joués par des non-professionnels. Le directeur de la photographie Nicolas Karakatsanis tourne le film avec ce qui semble être de la lumière naturelle autant que possible, ce qui signifie que Julie est souvent enveloppée dans l’ombre.

Le scénario savamment peaufiné de Van Dijl et Ruth Becquart (qui apparaît également dans le rôle de la mère de Julie) nous plonge sans exposition au cœur des nerfs à vif et de la vigilance accrue du personnel et des étudiants de l’académie. Les questions tournent autour de l’absence inexpliquée de l’entraîneur de Julie, Jérémie (Laurent Caron), mais celle-ci résiste à toutes les sollicitations pour la faire s’ouvrir.

Déjà quelque peu étrangère étant donné qu’elle est une boursière subventionnée par les frais de scolarité d’enfants riches, Julie devient plus prudente lorsqu’elle analyse – ou enterre ? – ses sentiments compliqués à propos des événements récents. Le plus important d’entre eux est le suicide d’Aline, une jeune académicienne de 16 ans également entraînée par Jérémie, vue projetant une confiance en elle ensoleillée dans une vidéo sur ses espoirs de rejoindre la Fédération Belge de Tennis. Tout en se préparant pour ses propres essais BTF, Julie revoit cette vidéo de manière obsessionnelle.

La directrice de l’académie, Sophie (Claire Bodson), informe les étudiants que des médiateurs extérieurs sont sollicités pour lancer une enquête interne et mener des entretiens, dans le but de promouvoir un dialogue plus ouvert et de favoriser un environnement sûr. Mais le personnel de l’organisation semble également agir avec prudence, craignant d’être impliqué si des transgressions majeures étaient révélées.

Cela semble de plus en plus probable une fois que l’on apprend que Jeremy a été suspendu, et même si Julie reste initialement en contact avec lui par téléphone, elle garde ces conversations pour elle.

Van den Broeck joue le silence de Julie non pas comme un choix faible mais comme un choix exigeant une force considérable. Il est clair dès le début que des lignes ont été franchies et qu’elle recalibre son point de vue sur sa propre expérience récente à la lumière de la mort d’Aline. Ses professeurs et ses parents s’inquiètent de la baisse de ses notes, mais elle insiste sur le fait qu’elle va bien.

L’une des forces du film de Van Dijl est qu’il passe également sous silence ce qui s’est passé, même si cela est indiqué sans équivoque dans l’unique scène de Jérémie, lorsqu’il retrouve Julie dans un café pour discuter. Cette rencontre troublante est effectivement tournée en basse lumière, avec les deux personnages presque en silhouette.

Les zones troubles de la dynamique joueur-entraîneur sont un terrain fertile pour des drames épineux, paradoxalement amplifiés car les lèvres de Julie restent fermées. Le fait qu’Aline, puis Julie, aient d’abord été promues en tant que talents vedettes et aient bénéficié de séances d’entraînement en solo avec Jeremy suggère qu’en donnant la priorité au potentiel des joueurs de l’académie de percer dans le tennis professionnel, l’institution a été laxiste dans son rôle de supervision.

En bref, des scènes percutantes jouées avec une retenue infaillible, le film observe Julie pratiquer ses services, faire de la physiothérapie pour une blessure ou s’entraîner au gymnase, ce qui montre qu’elle utilise le sport comme mécanisme d’adaptation.

Elle écoute le scepticisme de Jeremy à l’égard de son entraîneur remplaçant, Backie (Pierre Gervais), mais elle apprend à travailler avec lui — peut-être de manière plus saine. Et peu à peu, elle se fait des amies parmi les autres filles, sortant un peu de sa coquille tout en restant taciturne chaque fois que la conversation tourne vers son ancien coach.

La plupart des cinéastes auraient poussé le personnage jusqu’à un point de rupture où elle dévoilerait ses secrets. Mais la position ferme de Julie semble non négociable. Même si elle semble sur le point de s’exprimer à plusieurs reprises, elle tire une puissance discrète de sa détermination, refusant de laisser le traumatisme la définir ou de faire dérailler sa carrière de tennis.

Il est concevable que le film puisse irriter les gens qui croient que toutes les femmes ont la responsabilité de dénoncer leurs agresseurs. Mais le scénario de Van Dijl et Becquart est suffisamment intelligent pour comprendre que l’adolescence est une période mouvementée et que, même si Julie reste conflictuelle et vulnérable, le silence devient pour elle une question d’auto-préservation. Que cela reste ou non le cas est sujet à interprétation.

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