Cela ne fait même pas un an que le Hamas a lancé une attaque surprise contre des soldats et des civils israéliens de l’autre côté de la frontière de Gaza, déclenchant un conflit long et meurtrier qui n’est toujours pas terminé. Et pourtant, quelqu’un a déjà décidé d’aller tourner un film sur ce qui s’est passé.
Est-il trop tôt pour décrire les conséquences d’un massacre, surtout dans une œuvre de semi-fiction ? Et que dire de toutes les personnes qui sont encore menacées, qu’elles soient palestiniennes ou israéliennes, alors que la guerre catastrophique continue de faire rage ?
Des chiens et des hommes
L’essentiel
Tente de capturer l’indicible.
Lieu: Mostra de Venise (Orizzonti)
Casting: Ori Avinoam, Natan Bahat, Yamit Avital, Nora Lifshitz
Directeur: Dani Rosenberg
Scénaristes : Dani Rosenberg, Ori Avinoam, Itai Tamir
1 heure 22 minutes
Ce sont quelques-unes des nombreuses questions que l’on peut, et que l’on doit, se poser avant de voir Des chiens et des hommes (Le klavim veanashim), le récit poignant et discret du scénariste et réalisateur Dani Rosenberg sur le massacre du 7 octobre et ses nombreuses victimes. Ni fiction ni documentaire, mais quelque part entre les deux, ce long métrage à petite échelle suit une adolescente solitaire, Dar (Ori Avinoam), qui retourne au kibboutz d’où elle s’est échappée de justesse afin de rechercher son chien perdu.
Rosenberg utilise ce principe simple pour explorer les ruines de ce qui était autrefois une communauté rurale paisible, tout en mettant en lumière les bombardements qui tuent des civils dans la bande de Gaza voisine. Pour un conflit dans lequel de nombreuses personnes se sentent obligées de prendre parti, le réalisateur adopte une approche plus humaniste, montrant comment les guerres peuvent être totalement aveugles lorsqu’il s’agit de tuer des innocents. Et il le fait d’une manière qui parvient à respecter les victimes au lieu d’exploiter leur mémoire.
Les téléspectateurs qui restent assis Des chiens et des hommesqui dure à peine 80 minutes et est minimaliste en termes de narration, trouvera sans doute quelques points de discorde s’il creuse suffisamment. Par exemple, le côté israélien est beaucoup plus présent à l’écran que le côté palestinien, qui n’est vu qu’à une distance raisonnable, ou bien dans des vidéos diffusées sur un téléphone. Mais pour un réalisateur qui tente de témoigner des événements du 7 octobre du point de vue israélien, Rosenberg s’assure également de révéler les destructions massives qui se déroulent à quelques kilomètres de là, à Gaza.
Le film, qui suit Dar dans ses aventures au kibboutz de Nir Oz, l’un des nombreux endroits pris par surprise lorsque les militants du Hamas ont franchi la frontière, a été tourné sur place par une petite équipe quelques semaines seulement après les attaques. Si Avinoam est actrice, toutes les autres personnes qu’elle rencontre jouent leur propre rôle, la plupart des dialogues étant improvisés sur place.
Parmi les quelques personnes que Dar rencontre, il y a Natan Bahat, un octogénaire qui habite depuis longtemps dans le kibboutz et qui a décidé de continuer à y vivre, même après l’enlèvement de ses petits-enfants et le meurtre de plusieurs de ses voisins. Natan sert de guide sincère à Dar, la conduisant à travers la propriété désolée et lui permettant de passer la nuit dans sa maison, qui a été épargnée par les assaillants alors que d’autres maisons ont été incendiées. Le vieil homme représente également l’esprit de gauche et de paix de nombreux habitants de Nir Oz, racontant l’histoire d’un ami arabe à Gaza dont il n’a malheureusement pas eu de nouvelles depuis le début de la guerre.
Rosenberg, dont les précédents articles incluent Le soldat disparu et La mort du cinéma et de mon père aussis’intéresse moins à la politique ou à l’exploration des causes profondes du conflit israélo-palestinien interminable qu’à donner un visage humain à la tragédie. Les brèves conversations de Dar – avec des soldats, des médecins légistes, des bénévoles, une institutrice de maternelle – nous donnent des indices sur les véritables horreurs qu’ils ont traversées. Le cadre est également réel, offrant des aperçus d’une communauté bucolique qui a été soudainement interrompue puis complètement abandonnée.
Au fur et à mesure que le film avance, nous découvrons peu à peu l’histoire de Dar. Tout d’abord, grâce aux journaux intimes de sa mère, lus en voix off et décrivant les premières années de la femme au kibboutz, jusqu’à la naissance de sa fille. Plus tard, Dar, en larmes, explique à quelqu’un comment sa mère a été kidnappée le 7 octobre et n’a plus donné de nouvelles depuis.
Malgré l’intensité de ce que nous voyons, il n’y a pas de sentiments faciles ou de scènes pathétiques dans Des chiens et des hommesmais plutôt le désir de capturer les conséquences des attentats aussi fidèlement que possible. Cela comprend l’insertion de vidéos que Dar fait défiler sur son téléphone, où l’on voit des images terrifiantes du massacre en Israël mais aussi des bombardements incessants à Gaza – des images dont Dar est témoin de loin alors qu’elle erre.
Le réalisateur explore davantage le côté palestinien dans deux scènes. Dans l’une, Dar entend un journaliste parler à un homme de Gaza qui a perdu près d’une vingtaine de membres de sa famille, énonçant à voix haute leurs noms et leurs âges. Dans l’autre, qui est la seule véritable fantaisie du film, Dar rêve que son chien se lie d’amitié avec un jeune Palestinien qui doit se cacher des bombes qui tombent autour de lui. Cette séquence est réalisée en animation et, bien qu’elle nous détourne temporairement du réalisme plus sobre du film, elle offre une vision touchante d’un enfant en quête de répit.
Dar est elle aussi constamment en quête de répit, et son voyage d’une journée nous permet de saisir le poids de ce qu’elle et d’autres ont traversé, même s’il est impossible de se mettre à leur place. Des chiens et des hommes est en fin de compte un petit film, modeste dans ses moyens et sûrement imparfait. Mais il s’efforce de faire ce que l’écrivain George Eliot a dit un jour que tout art devrait faire, c’est-à-dire exprimer notre sympathie.