Deuxième long métrage de Matthew Rankin, Langage universelfait certainement écho à la sensibilité comique du cinéaste de Winnipeg, Guy Maddin (La musique la plus triste du monde, Rumeurs). Mais sa structure fantastique et multicouche – destinée à rendre hommage au cinéma iranien qu’il aime – est difficile à expliquer.
On m’a demandé de décrire ce que Langage universel il s’agit de Rankin qui canalise son Groucho intérieur : « Cela dure environ 89 minutes. »
Reprenant son rôle d’auteur, le réalisateur montréalais ajoute : « Je décrirais ce film comme une hallucination autobiographique. Il parle de ma ville, mais ce n’est pas le cas non plus. Il parle du cinéma iranien, mais ce n’est pas le cas non plus. »
Les cinéastes iraniens, connus pour briser la frontière entre réalisme et surréalisme, notamment pour échapper à la censure et à un régime iranien oppressif, sont un modèle parfait pour Rankin à suivre avec sa propre création compulsive d’illusions.
Le rythme et la structure de Langage universel — où le persan et le français sont réimaginés comme les deux langues officielles du Canada — est en grande partie dictée par la perception que Rankin a de Téhéran par le biais de sa ville natale de Winnipeg. Il fait ici allusion à un diagramme de Venn, où des cercles superposés révèlent une relation entre deux ou plusieurs éléments.
« Il ne s’agit pas de l’Iran. Il ne s’agit pas de Téhéran, mais c’en est un », ajoute Rankin, les mêmes chevauchements surréalistes étant vrais pour Winnipeg et Montréal dans la comédie satirique.
Un exemple du mashup cinématographique de Rankin est la façon dont il réimagine un Tim Hortons, la chaîne de café et de beignets considérée comme la chaîne ultime au Canada, en Langage universel comme un salon de thé arabe. En plus de sa signalisation en farsi, le restaurant Timmie’s de Rankin dispose de samovars, de minuscules verres à thé et d’une jeune femme serrant un morceau de sucre entre ses dents pendant qu’elle sirote le thé et que le sucre fond.
Mais, bien sûr, il s’agit de Tim Hortons. Le clin d’œil de Rankin au cinéma persan comprend donc un diorama sur le mur représentant la vie et la mort tragique de la légende de la LNH Tim Horton. « Et ils brandissent un samovar Stanley », ou une Coupe Stanley en forme de samovar géant, ajoute-t-il.
Ailleurs dans Langage universelqui sera présenté en première au Festival international du film de Toronto, des poules laissent des traces dans la neige pendant un hiver canadien, deux étudiants tentent de pêcher un billet de 500 rials dans la glace gelée et la ville natale de Rankin, Winnipeg, se transforme en un hybride interculturel terne. Rankin lui-même joue un bureaucrate montréalais parlant le farsi qui revient à Winnipeg pour voir sa mère, pour découvrir que sa famille a changé au point d’être méconnaissable.
« Ce sont des espaces qui sont peut-être situés à un niveau assez éloigné les uns des autres, mais dans le monde de ce film, ils ont été mélangés pour former cet hybride inhabituel », explique Rankin.
Pour son film, qui a remporté le tout premier prix du public à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année, Rankin a choisi des acteurs locaux locuteurs de farsi issus de la communauté irano-canadienne, dont la plupart sont des acteurs débutants avec leur propre sensibilité comique persane.
« Lorsqu’ils racontent une histoire, ils ont le sens du timing, de l’humour, du drame. Donc si vous écrivez un rôle que vous savez qu’ils peuvent jouer, qui correspond à leur personnalité, alors ils peuvent être vraiment excellents. Vous les préparez au succès », explique Rankin.
Langage universel aura sa première nord-américaine le mardi 10 septembre au Bell Lightbox.