Dans le monde féroce des ventes aux enchères d’art, où un seul tableau peut rapporter des millions de commandes à des institutions de premier plan comme Christie’s ou Sotheby’s, il y a peu de place à l’erreur et peut-être encore moins de place à l’éthique.
C’est d’autant plus surprenant que le nouveau long métrage du scénariste-réalisateur français Pascal Bonitzer, Enchères (Le tableau voléau), est une véritable histoire du monde de l’art dans laquelle la vertu humaine parvient tant bien que mal à s’imposer, même si elle met du temps à montrer son joli visage.
Enchères
L’essentiel
Intelligent, bien que trop réconfortant.
Date de sortie : Mercredi 29 octobre.
Casting: Alex Lutz, Léa Drucker, Nora Hamzawi, Louise Chevillotte, Arcadi Radeff, Laurence Côte, Alain Chamfort, Olivier Rabourdin
Réalisateur, scénariste : Pascal Bonitzer
1 heure 31 minutes
Se déroulant dans un aquarium à requins d’avocats, d’héritiers, d’experts et de commissaires-priseurs encerclant un tableau précieux découvert dans la maison d’une famille de cols bleus, cette comédie dramatique tranchante montre que Bonitzer, qui a écrit des scénarios pour Jacques Rivette et André Téchiné, a toujours le don de couper les dialogues et de revirements inattendus. Tout à l’écran ne fonctionne finalement pas ici, avec certains personnages et situations plus crédibles que d’autres. Mais le réalisateur parvient à raconter une savante histoire de moralité moderne mêlant art, classe sociale et gros sous.
Une grande partie de l’action est centrée sur André (Alex Lutz), un passionné commissaire-priseur à la maison de ventes aux enchères fictive mais réaliste Scottie’s à Paris. Dans la scène d’ouverture, nous voyons André traiter habilement avec le légataire raciste d’un tableau d’un million d’euros qu’il espère vendre, ignorant les diatribes de la femme pour s’emparer d’une lourde commission.
André semble être impitoyable et, à bien des égards, il l’est, de connivence avec d’autres commissaires-priseurs pour l’une des premières places de Scottie tout en dénigrant constamment son assistante, Aurore (Louise Chevillotte), qui se révèle avoir une langue aussi tranchante que son patron.
Et pourtant, lorsqu’il s’agit de la découverte de l’œuvre perdue depuis longtemps d’Egon Schiele de 1914, Tournesols fanésque retrouve un jeune ouvrier d’usine, Martin (Arcadi Radeff), dans le grenier de sa modeste maison, André montre qu’il peut être à la fois adroit et réfléchi.
Le tableau a une histoire longue et mouvementée : il a été acheté par un collectionneur juif autrichien, qui a été contraint de le remettre aux nazis avant de fuir aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Puis, d’une manière ou d’une autre, il s’est retrouvé dans la ville ouvrière française de Mulhouse, où il est resté intact pendant des décennies jusqu’à ce que Martin et sa mère (Laurence Côte) le déterrent parmi les affaires de l’ancien propriétaire de leur maison, qui a lui-même un passé difficile.
La trajectoire de la toile Schiele est tirée d’événements survenus en France en 2006, lorsque Tournesols fanés a été vendu par Christie’s pour plus de 13 millions de dollars. Bonitzer déforme ces faits en une histoire d’egos conflictuels et de commissions énormes, André faisant de son mieux pour négocier une vente tout en respectant les souhaits des héritiers légitimes des tableaux, ainsi que ceux de son employeur avide d’argent.
Lutz incarne le personnage le plus convaincant du film : un ascensionniste astucieux qui possède sa propre collection de montres de luxe, mais qui comprend également la valeur du grand art au-delà de son prix. Il peut apparaître comme le Gordon Gekko des commissaires-priseurs ; en réalité André est un homme au cœur honnête dans un monde plutôt sans cœur. Le Schiele est donc pour lui l’occasion rêvée de faire fortune sur le marché de l’art tout en prouvant qu’il est réellement un bon gars.
Le problème est que, à l’exception d’un rebondissement tardif impliquant un expert allemand qui pourrait tenter de renverser l’accord, André ne rencontre pas beaucoup d’opposition en cours de route. Enchères a tous les ingrédients pour un thriller social convaincant, mais n’en livre jamais assez en termes de conflit.
C’est plus un amuse-bouche qu’un repas complet, avec des intrigues secondaires impliquant les amis de la ville natale de Martin et les problèmes familiaux d’Aurore sans ajouter beaucoup de drame. De même pour l’ex-femme d’André et collègue passionnée d’art, Bertina (Léa Drucker), qui entre et sort du récit sans avoir d’impact majeur, même si elle prend beaucoup de bains pour une raison quelconque.
Bonitzer a réalisé des films plus difficiles dans le passé – en particulier sa comédie cinglante parisienne de 1999, Rien sur Robert — mais à 79 ans, il semble s’être adouci. Cela rend son dernier film moins attrayant à regarder, mais néanmoins encourageant dans son message sur les gens qui se rassemblent pour le plus grand bien de l’art moderne et de la réparation historique.
Enchères bénéficie également de nombreuses recherches (le réalisateur a consulté des dizaines d’experts en art français) et de décors parisiens authentiques, dont l’originale maison de ventes Drouot, qui existe depuis les années 1850. C’est là qu’Aurore réussit à marchander un manteau vintage qu’elle porte et pour lequel elle reçoit des compliments tout au long du film, prouvant que les objets anciens ont toujours de la valeur pour ceux qui sont assez rusés pour les repérer.
