Le film stable et émouvant d’Emily Atef Plus que jamais s’ouvre avec la protagoniste, Hélène (Vicky Krieps), se regardant dans un miroir. Qui voit-elle ? Une femme amincie par une maladie onéreuse ? Une patiente exaspérée par l’optimisme insistant de ses médecins ? Une femme étouffée sous les soins prudents de son mari ? Une image de la personne qu’elle était autrefois ? Cette question et ses spéculations inspirées se sont fermement enracinées dans mon esprit, une marque de la puissance de ce film.

Plus que jamaisLe pouvoir de est sous-estimé et contrôlé. C’est un film sur la vie malgré la mort et sur une femme désespérée de contrôler son destin. Ce n’est pas la première fois qu’Atef s’aventure sur ce territoire. Dans son premier long métrage, Le chemin de Molly, la réalisatrice franco-persane a transformé la recherche irréaliste d’une femme d’un homme avec qui elle a eu une aventure d’un soir en un voyage de découverte de soi. Dans 3 jours à Quiberon, Atef s’est inspiré de la réalité – dramatisant la vie tumultueuse de l’actrice germano-autrichienne Romy Schneider. Maintenant avec Plus que jamaisAtef considère comment la mort peut simultanément hanter et redynamiser une vie.

Plus que jamais

L’essentiel

Une méditation émouvante sur la mort imminente.

Lieu: Festival de Cannes (Un Certain Regard)
Moulage: Vicky Krieps, Gaspard Ulliel, Bjørn Floberg
Réalisateur: Emilie Atef
Scénaristes : Emily Atef, Lars Hubrich

2 heures 3 minutes

Hélène se souvient de qui elle était, mais elle ne sait plus qui elle est maintenant. Cette séquence d’ouverture, où la femme de 33 ans regarde dans le miroir, signifie sa relation difficile avec elle-même. Cela commence calmement puis éclate rapidement d’émotion alors qu’Hélène hurle dans un appartement vide. Une coupure abrupte nous amène au mari d’Hélène, Mathieu (feu Gaspard Ulliel) essayant de convaincre sa femme de venir à un dîner avec leurs amis. Elle acquiesce à contrecœur.

Le dîner révèle la profondeur du malaise d’Hélène. Ses amis ne se sont pas adaptés au fait de sa maladie – la fibrose pulmonaire idiopathique détériore sa capacité pulmonaire – et cela se manifeste par une nervosité et un évitement humiliants. Le groupe est content de revoir Hélène, mais curieusement ils ne posent pas de questions sur elle. Ils s’en tiennent à la banalité, se demandent si elle envisage de retourner au travail (bien sûr que non) et insistent pour qu’elle boive (l’eau est très bien.) La caméra de DP Yves Cape reste proche du visage de Krieps pendant ces moments, cartographiant ses expressions sombres pénétrantes .

Un mensonge proféré à table fait basculer Hélène au bord du gouffre, l’incitant à affronter le comportement étrange de ses amis et à quitter la fête en trombe. Mathieu le suit de près, masquant mal son agacement. Le dîner s’avère être un tournant. Plus consciente de son isolement, Hélène se tourne vers Google pour obtenir des réponses. Elle trouve du réconfort dans un blog tenu par un homme atteint d’un cancer. Il ne poste que des photos – d’un lit d’hôpital, de la campagne, d’un plan d’eau.

Hélène initie une correspondance qui lui tient compagnie tout au long de ses journées monotones. Pendant ce temps, Mathieu sent sa femme s’éloigner de lui. Il a du mal à se connecter avec sa mélancolie. Une visite au cabinet du médecin, où Hélène apprend qu’elle est éligible à une greffe pulmonaire, laisse le couple dans un état d’esprit opposé : Hélène morose, et Mathieu enthousiaste.

Ce gouffre, comme le dîner, s’avère être un autre tournant pour Hélène. Elle décide de faire un voyage en solo en Norvège, une nouvelle qui fait que Mathieu se sent rejeté et effrayé. Il est effrayant de voir Ulliel, décédé en janvier 2022, jouer un partenaire naviguant sur les contours d’un chagrin imminent. Sa performance est sobre et sombre, signe de l’acceptation feutrée de son personnage de l’inévitable.

Le silence est la force d’Atef. La réalisatrice utilise de manière impressionnante les moments calmes avec un grand effet, nous en disant souvent plus que son scénario de travail (co-écrit avec Lars Hubrich). Hélène et Mathieu passent une grande partie de leur temps ensemble — augmenté depuis les diagnostics d’Hélène — sans se parler. Ce sont leurs corps et leurs expressions faciales qui parlent le plus : la distance émotionnelle est mesurée par l’espace entre leurs corps lorsqu’ils sont allongés dans leur lit ou qu’ils marchent dans la rue. Une intimité renouvelée peut être ressentie lorsqu’ils sont assis l’un en face de l’autre, partageant sans un mot des tranches de fruits.

Hélène en Norvège est plus énergique. (Je m’en voudrais de ne pas mentionner la belle séquence relatant son trajet en train de Bordeaux à la Norvège, qui profite d’une campagne magnifique.) Elle rencontre le mystérieux blogueur, Mister Bent (Bjørn Floberg), qui ne ressemble à rien de ce qu’elle avait imaginé – plus vieux, plus débraillé et plus silencieux. L’essentiel de leur communication implique les confessions et les questions spontanées d’Hélène. Bent est un personnage à peine esquissé dont le seul but est de guider la découverte de soi d’Hélène, qui commence finalement à se sentir trop monotone pour un projet aussi prévenant.

Mathieu rejoint finalement Hélène en Norvège, un voyage qui se double d’une thérapie pour le couple. Ici, au milieu de nulle part, les deux sont confrontés à des questions difficiles et des pensées inexprimées s’ouvrent au grand jour. Ce troisième acte finit par être la section la plus forte de Plus que jamais: Atef met en scène des scènes sans fioritures qui emballent un maximum d’émotion, et Hélène semble un pas de plus vers la connaissance d’elle-même.

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