Le film de Léonor Serraille Mère et fils contient des traits émouvants, mais a du mal à faire une brèche émotionnelle durable.

Le réalisateur de la caméra d’or 2017 Montparnasse Bienvenue revient à Cannes avec un récit ambitieux relatant la vie d’une mère ivoirienne et de ses fils alors qu’ils tentent de construire leur vie à Paris, puis plus tard à Rouen. Leur parcours ne porte pas les marques habituelles des projets – souvent, mais pas toujours, dirigés par des réalisateurs blancs – qui colportent la dégradation des personnes non blanches, mais le film succombe à certains clichés embêtants.

Mère et fils

L’essentiel

Ambitieux mais évasif.

Lieu: Festival de Cannes (Compétition)
Moulage: Annabelle Lengronne, Stéphane Bak, Kenzo Sambin, Ahmed Sylla, Sidy Fofana, Milan Doucansi
Réalisateur-scénariste : Léonor Serraille

1 heure 56 minutes

Cela ne commence pas de cette façon, cependant. Mère et fils traverse plusieurs décennies, à partir des années 1980, et se partage également entre trois perspectives : Rose (Annabelle Lengronne) et ses fils Jean et Ernest (incarnés par des acteurs différents à mesure qu’ils vieillissent). La première partie suit Rose peu après son émigration d’Abidjan à Paris avec Jean (Sidy Fofana), 10 ans, et Ernest (Milan Doucansi), 5 ans. Le trio emménage dans un petit appartement avec la famille élargie et Rose obtient un emploi de femme de chambre dans un hôtel. Ils traversent la vie avec un optimisme contagieux, malgré les avertissements que les choses ne seront pas toujours faciles.

Néanmoins, Rose garde farouchement son indépendance : elle rejette les avances précoces de Jules (Jean-Christophe Folly), un Ivoirien à la voix douce qui insiste sur le fait qu’elle doit se marier et sort avec qui elle veut. Les amoureux vont et viennent avec un sens du drame discret. Rose sort danser, seule et avec d’autres. « Tu es en France et tu agis comme une princesse », dit un parent de Rose à un moment donné. Rose proteste contre le ton réprimandant, signalant avec confiance que les Français ne valent pas mieux qu’elle. Avec ses fils, Rose est joueuse, mais ferme. Elle les encourage, via de vagues discours, à réussir, à bien faire et à ne jamais capituler devant leurs émotions – des messages qui hanteront inévitablement leur vie plus tard.

La sublime performance de Lengronne ajoute de la légèreté à un personnage qui aurait pu trop facilement être plombé. Son don réside dans les expressions, qu’elle déploie avec un timing presque parfait. Réagissant à la manière loquace de Jules de flirter, Lengronne fronça les sourcils et pinça les lèvres avant de laisser échapper un grognement. En réponse à la suggestion d’un amoureux que les Français sont responsables du café, elle porte un regard amusé et confus. Dommage que le Français ait de telles vues insulaires.

Alors que les semaines se transforment en mois, une sorte d’ennui envahit la vie de Rose comme du brouillard à travers un champ – une transition lente que la DP Hélène Louvart manœuvre de manière experte. Le style de vie de Rose ne convient pas à ses cousins ​​plus conservateurs, qui s’inquiètent de ce que les voisins pourraient penser. Pendant ce temps, la jeune maman aspire à un chez-soi, plus d’espace et une meilleure scolarisation pour ses enfants. Cette opportunité se présente sous la forme d’un amant, Thierry (Thibaut Evrard), avec qui elle s’installe à Rouen.

La Normandie ne finit pas par fournir ce réconfort. Mère et fils sauts d’une décennie (un autre horodatage aurait été utile ici) et perspective. Un adolescent Jean (maintenant joué par Stéphane Bak) ancre maintenant l’histoire. Sa vie est marquée par l’absence de Rose (qui passe la semaine à travailler à Paris) et la responsabilité de s’occuper d’Ernest (maintenant joué par Kenzo Sambin). Le film tente de capturer l’isolement et la dépression de Jean, mais ici, il est entravé par quelques touches éculées. Il a une relation antagoniste avec son beau-père et une étrange avec sa petite amie blanche. Des références passagères sont faites à la façon dont la race affecte les expériences de Jean, mais elles étaient trop subtiles pour ce critique, surtout compte tenu des situations dans lesquelles Jean se trouve.

Mère et fils parle de famille – ce que signifie être une mère et un enfant. Mais c’est aussi une question d’immigration, et inévitablement de race, et de tension entre les définitions que nous adoptons et celles qui nous sont projetées. L’histoire de Jean laisse beaucoup de choses inexplorées lorsqu’il s’agit de compliquer les couches de son identité : le fils aîné d’une femme de plus en plus distante émotionnellement, un homme noir qui a appris à réprimer ses émotions, un immigrant qui s’acclimate à un nouvel environnement, le monde largement blanc qui l’entoure et l’étouffe. Aucune de ces identités ne le définit à elle seule, mais elles travaillent de concert pour contextualiser son mouvement à travers le monde.

Serraille s’efforce de lutter avec ces éléments dans le conte d’Ernest – la troisième et dernière perspective. On suit le jeune homme depuis son adolescence, où il est plus facilement accepté que son frère aîné, puis jusqu’à l’âge adulte (aujourd’hui incarné par Ahmed Sylla). L’éloignement de sa mère et de son frère, revenus brusquement en Côte d’Ivoire, définissent sa vie. Une interaction avec la police française est ce que le film se rapproche le plus d’un traitement explicite de la race, et pourtant quelque chose dans cette scène semble moins intime que l’exploration des attentes sexospécifiques dans le segment de l’histoire de Rose. Je me suis demandé : Est-ce une question de structure du film ? Une question de sa large portée? Ou cela revient-il à la nervosité française lorsqu’il s’agit d’explorer la race et le racisme à l’intérieur de leurs propres frontières ?

D’après des interviews jointes à des notes de presse, Serraille s’est inspiré de faire Mère et fils à cause de son partenaire, qui est africain, et de leurs enfants. Elle parle de ses souhaits pour le film, de son désir de s’en servir comme d’un lieu d’exploration, de « chercher ce qu’il y a derrière les choses projetées sur nous ». Ce genre de recherche pour savoir pourquoi des identités nous sont imposées même si elles ne semblent pas correspondre nécessite un peu plus d’intention et de force que ce que Mère et fils offre finalement.

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