Tout le monde connaît l’histoire de Cendrillon : une jeune femme, sous contrat avec une belle-mère cruelle, est bénie par des forces magiques. Avec l’aide d’une fée, de créatures des bois et d’une citrouille transformée, Cendrillon, popularisée par les frères Grimm, Perrault et Disney, courtise un prince et vit heureuse pour toujours. Mais qu’en est-il de ses demi-sœurs, les intimidateurs qui, selon nous, méritaient leur récompense ? Sûrement, ils ont leur propre histoire ?

Dans La vilaine demi-soeurla réalisatrice norvégienne Emilie Blichfeldt revisite l’histoire de ces jeunes femmes « laides » comme une horrifiante quête de beauté. Rappelez-vous, dans l’histoire des frères Grimm, comment l’une des demi-sœurs, dans une tentative macabre de rentrer dans la célèbre pantoufle, se met un couteau sous les orteils. Blichfeldt se laisse aller à cette atmosphère macabre et réfléchit aux autres façons dont une jeune femme pourrait se mutiler pour être acceptée. Dans la foulée de l’horreur beauté-corps de Coralie Fargeat Le fond, La vilaine demi-soeur trouvera probablement un public lorsque Shudder le sortira cette année.

La vilaine demi-soeur

L’essentiel

Le plaisir est dans les détails.

Lieu: Festival du film de Sundance (minuit)
Casting: Lea Myren, Thea Sofie Loch Næss, Ane Dahl Torp
Réalisateur-scénariste : Émilie Blichfeldt

1 heure 50 minutes

L’ambition esthétique de Blichfedlt – l’hyper-pop prévaut ici – et la performance engagée des Myren dans le rôle de la demi-soeur titulaire contribuent à animer un film qui, parfois, est alourdi par ses pitreries les plus farfelues. De l’Ozempic à l’élimination de la graisse buccale, la vie contemporaine est remplie d’exemples qui soulignent que la beauté est une affaire brutale et violente. Les entreprises exploitent l’insécurité et vendent des solutions à des problèmes inventés. Quand La vilaine demi-soeur rechape ces faits très appréciés à travers des gags visuels ou des dialogues évidents, l’effet peut être ennuyeux.

Mais lorsque Blichfedlt expérimente les détails – en dévoilant par exemple la relation entre la belle-mère et ses filles, ou en recadrant le bal du prince comme un événement politique – le film trouve de nouvelles façons de rendre pertinent un vieux conte.

La vilaine demi-soeur s’ouvre, à juste titre, sur un fantasme. Elvira (Myren), une jeune femme maladroite et observatrice, rêve d’épouser le prince Julian, le célibataire le plus désirable du royaume. Il vient de publier un nouveau recueil de poèmes, des vers complaisants sur l’amour et le sexe, qu’elle étudie pendant son temps libre.

À mesure qu’Elvira aspire, la situation de sa famille change radicalement. Sa mère Rebekka (Ane Dahl Torp) se remarie et Elvira et sa sœur Alma (Flo Fagerli) ont un nouveau frère ou sœur. Agnès (Thea Sofie Loch Naess) est tout ce qu’Elvira veut être : blonde, aux yeux bleus et sophistiquée. Les sœurs commencent en bons termes, mais après la mort de son père, Otto (Ralph Carlsoon), Agnès succombe à l’imprévisibilité du chagrin. Rebekka change aussi. Il s’avère qu’Otto n’avait pas d’argent. La banque saisit les biens de la famille, les laissant relativement démunis.

Lorsque la nouvelle que le prince Julian cherche une épouse parvient au malheureux clan de femmes, Rebekka y voit une opportunité de soulager son fardeau financier. Elle porte son attention sur Elvira, essayant d’en faire un objet de désir. Blichfedlt utilise des scènes mises en scène avec assurance d’Elvira négociant une opération de nez et essayant de perdre du poids pour illustrer l’adage qui assimile la beauté à la douleur. Lorsque ces moments sont réussis, les expériences horribles de Blichfedlt avec l’horreur corporelle soulignent également le désespoir croissant d’Elvira d’être belle. La performance de Myren fonctionne en partie parce qu’elle façonne habilement cette quête comme une sorte de hantise. Elvira, autrefois chérubine et sérieuse, se transforme en une version évidée d’elle-même.

Blichfedlt complique également les autres personnages en étoffant leurs motivations. Rebekka, désormais deux fois veuve, se retrouve dans la position peu enviable d’essayer de survivre. Veiller à ce que ses filles soient considérées comme belles est le seul moyen pour elle d’assurer leur avenir. Il y a une subtilité impressionnante dans la performance de Thorp (en particulier dans une scène cruciale avec sa plus jeune fille vers la fin du film) qui révèle doucement le sentiment déchirant de la belle-mère de sa propre précarité.

Agnès, de plus en plus maltraitée par sa belle-famille et surnommée Cendrillon, veut aussi gagner l’affection du prince, mais c’est pour échapper à sa situation. Bien que cette Cendrillon ne soit heureusement pas une jeune fille naïve, son scénario est parfois brouillé par un trop grand nombre de fils lâches. Un problème similaire arrive à Alma, la demi-sœur qui ne souhaite absolument pas être le pion de sa mère.

À son plus fort, La vilaine demi-soeur trouve de nouveaux points d’entrée dans une thèse familière. L’interprétation de Blichfedlt de ce conte de fées peut être particulièrement frappante visuellement. Le regard claustrophobe du directeur de la photographie Marcel Zyskind, les costumes dramatiques de Mahon Rasmussen et la conception maussade de Sabine Hviid et Klaudia Klimka-Bartczak, associés aux choix musicaux anachroniques, aident Blichfeldt à évoquer un monde qui révèle les éléments les plus grotesques de la beauté.

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